Pour la sortie d’Enter the Void, son dernier film, Gaspard Noé parle de fantômes, de sexe et du Festival de Cannes.
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D’où vient l’envie de filmer ce qu’on voit après la mort ?
Les gens qui croient avoir eu des visions post-mortem racontent qu’ils flottent au-dessus d’eux-mêmes, qu’ils voient tout et ne peuvent pas communiquer avec les vivants. J’ai entendu ça mille fois, mais je ne l’avais jamais vu illustré dans un film. J’ai fait une compile de tous les films qui adoptent le point de vue du fantôme. Il y en a un paquet. Mais souvent, les fantômes marchent à côté des vivants et je trouve que ça ne fonctionne pas. J’aime beaucoup les plans vus d’en haut chez De Palma, dans Europa de Lars von Trier, dans Mishima de Paul Schrader, donc je me suis dit que j’allais faire un film entier où le fantôme vole. On adapte Le Passe-Muraille de Marcel Aymé, mais vu du dessus.
Vous êtes obsédé par la vie après la mort ?
Avant ça m’obsédait, mais bizarrement, plus tu vieillis, moins ça a d’intérêt. C’est juste du baratin mis en place par des sectes qu’on appelle des religions, pour que les gens suivent l’ordre préétabli. En fait, je voulais surtout reproduire des états altérés de la conscience, des états hypnotiques ou psychotropiques. Gamin, j’ai pris des acides et des champignons. Quand tu les prends, tu te dis : “Tiens, c’est dommage qu’il n’y ait pas un film qui montre le monde tel qu’il est quand t’es dans ces états-là.”
Tourner à Tokyo, c’est une expérience psychédélique ?
C’était mon rêve, je suis fasciné par l’énergie là-bas, leur passion du travail, ce sont des machines de guerre. Ils sont à fond. Trois semaines à l’avance, ils te demandent de choisir les figurants. Mais comme j’aime bien créer du bordel, je les ai épuisés autant qu’ils m’ont épuisé ! Parfois, sur le plateau, je me retournais vers l’équipe et je disais : “Tiens, le rôle du colocataire, c’est pour toi, va vite t’habiller et on tourne”, ils devenaient fous. Je connais des réalisateurs qui ont été traumatisés par leur tournage au Japon à cause du cadre psychorigide, pas moi. Il y a des codes d’honneur à apprendre. Par exemple, si tu dois faire corriger quelque chose au décorateur, tu ne le lui dis pas devant l’équipe parce que c’est lui manquer de respect. Tu le prends à part pour lui dire : “Le mur rouge, s’il avait été rose ça aurait été mieux.”
Le Love Hotel est un lieu important du film. Vous semblez fasciné par le sexe…
Dans la vie, il n’y a pas beaucoup de choses vraiment drôles. Danser, nager, c’est rigolo, mais le sexe, c’est le moteur. Si je me retrouvais comme Oscar (le personnage principal du film – ndlr) à revoir ma vie, il y aurait beaucoup de scènes sexuelles qui viendraient en premier. D’ailleurs, je risque de me retrouver à faire un film érotique. Ce n’est pas vraiment une envie de réalisateur, parce que tourner du cul c’est frustrant, mais c’est un désir de spectateur de voir sa propre vie sexuelle représentée à l’écran de manière jouissive. J’aimerais faire un film de cul qui ressemble aux Chaussons rouges de Michael Powell, avec des images super chatoyantes.
Tous vos films ont été présentés à Cannes. Que représente ce festival pour vous ?
C’est la fièvre du samedi soir, t’as tout le cinéma et puis aussi tous les mythos. Beaucoup de gens vont là-bas pour se faire passer pour des comédiens, des directeurs de casting, des distributeurs, mais ils ne sont rien du tout et ont de fausses cartes de visite. C’est un endroit où t’as toute la psychose du show-biz, il y a tellement d’alcool, de soleil, de films, de crétinerie, de gardes du corps, de défonce… C’est en France ce qui ressemble le plus à Sodome et Gomorrhe.
Photo : Hendrick Speck sur Flickr
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