Après une première adaptation de la franchise G.I. Joe jugée désastreuse (mais profitable), la production a décidé de confier cette suite à l’un des plus brillants conducteurs de blockbusters du moment, Jon M. Chu.
Pour qui s’intéresse à la petite fabrique du blockbuster mondialisé, G.I Joe: Conspiration avait de quoi susciter la curiosité. Pour relancer une franchise plombée par un premier épisode jugé désastreux, mais suffisamment profitable pour mériter une suite, la production décidait d’embaucher Jon Chu, jeune réalisateur ayant fait ses armes dans le danse flick, et particulièrement apte à filmer gracieusement les corps en action (voir le portrait dans le magazine cette semaine). Le casting serait également renouvelé : adieu Sienna Miller et Joseph Gordon Levitt (dommage), bienvenue Dwayne Johnson, Bruce Willis et Adrienne Palacki (pourquoi pas). Enfin, bien que tourné en 2D, le film serait converti en 3D, et la sortie repoussée de neuf mois officiellement pour ne pas bâcler le processus. Invités sur le tournage, fin 2011 à la Nouvelle Orléans, nous y avions vu, outre des décors de studio faramineux et d’immenses écrans verts (la routine), un réalisateur intelligent, bien dans ses baskets, visiblement conscient des enjeux de mise en scène, soucieux de plonger ses figurines plastifiées « dans la boue et la poussière » pour les rendre plus humaines que les ectoplasmes du premier opus. Le film n’avait pu être montré à temps pour le bouclage des hebdomadaires, mais les dix minutes, très belles, dévoilées en preview (on y revient) permettait d’y croire…
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Patatra. C’est davantage une confirmation qu’une découverte, mais quelque chose ne tourne décidément pas rond à Hollywood. Partons d’un détail, insignifiant au premier abord, extrêmement révélateur en réalité. Au détour d’une intrigue aussi stupide que tarabiscotée – des méchants kidnappent le Président des Etats-Unis d’Amérique pour détruire le monde en loucedé, à commencer par Londres (allez savoir pourquoi) –, on aperçoit les valises nucléaires des neuf puissances dotées de la bombe. Sur la valise américaine, trois boutons : Ready, Arm, Abort. Puis c’est au tour du président français de nous dévoiler la sienne. Trois boutons aussi : Prêt, Bras, Avorter. Merci Google Translate.
Ce n’est rien, tout juste un autocollant posé négligemment par un stagiaire décorateur sur une valise en carton, mais cela dit beaucoup, symboliquement, sur l’incapacité du réalisateur à traduire correctement son propre langage, celui de la danse et du conte de fée, en un autre langage, guerrier, expéditif, rugueux. Au fond, le film entier semble être passé au tamis de Google Translate : tout est là, les chorégraphies, les explosions, la fantaisie, les blagues, le sourcil levé de The Rock, les maugréements de Bruce Willis, tout est là, mais ça ne veut rien dire. Ou disons pas davantage que l’anglais rudimentaire parlé par les marchands de yaourt au quatre coins du monde : c’est compréhensible, mais terriblement pauvre.
Dix minutes, disions-nous, permettaient d’y croire. C’est en effet le seul moment où Jon Chu se montre à la hauteur de ses ambitions. Au sommet de l’Himalaya (enfin, plutôt, d’un vaste écran vert), il lâche dans le vide une cohorte des ninjas suspendus à des filins ; des noirs, des blancs, des jaunes, des rouges, des bigoûts, s’étripant sur la roche, s’égorgeant en apesanteur (sans hémoglobine, censure oblige), dessinant d’élégantes arabesques qui nous rappelle l’époque bénie où quelques Hongkongais régnaient en maître sur le cinéma action. Pour le reste, il se contente d’appliquer la grammaire la plus scolaire, sur un scénario à peine moins crétin que celui du précédent épisode. Même la 3D, a priori son domaine de prédilection, est tout juste passable – au moins ne fait-elle pas mal aux yeux. Honni par les fans de G.I Joe lui reprochant son manque de fidélité (sic), le film de Stephen Sommers avait au moins le mérite d’assumer ce qu’il y a de foncièrement grotesque à faire un film à partir de figurines en plastique. Ce second épisode devrait, au contraire, ravir les fan boys. Jugez : Cobra Commander s’y allie avec Storm Shadow, Firefly et Zartan (mais pas Destro !) pour mettre la main sur des « space missiles » et défoncer Snake Eyes et ses potes. Trop cool.
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