Quarante ans toujours ado : une nouvelle comédie produite par Judd Apatow sur deux quadras régressifs, interprétés par l’irrésistible tandem John C.Reilly/Will Ferrell.
Pris en étau entre Sans Sarah, rien ne va ! et le beau Pineapple Express (en salle le 3 décembre), Frangins malgré eux (Step Brothers en VO), la dernière production Apatow, se présente, dans toute sa splendide loufoquerie, comme une nouvelle pièce maîtresse de l’échafaudage comique élaboré entre lumière des multiplexes américains et ombre de quelques courageuses salles françaises – dans l’Hexagone, en effet, la plupart de ces films connaissent à peine mieux qu’une sortie technique. Pas le meilleur Apatow, sans doute pas non plus le meilleur Will Ferrell (dont c’est ici la troisième collaboration avec Adam McKay, le réalisateur de The Legend of Ron Burgundy et Talladega Nights), Step Brothers parvient néanmoins à combiner de façon optimale l’univers des deux hommes : à ma gauche, un producteur obsédé par le devenir-adolescent des adultes ; à ma droite, un enfant dans un corps de géant déglingué, jamais plus drôle que lorsqu’il est castré ; au centre, un manifeste en faveur de l’immaturité comme art de vivre et, surtout, la comédie la plus drôle vue cette année. Will Ferrell et John C. Reilly (l’acteur de Walk Hard, qui s’épanouit décidément bien dans la nébuleuse Apatow) y jouent deux quadras refusant de grandir, réfractaires à l’idée de quitter leur vie réglée par les diktats de la PlayStation, mais forcés de cohabiter depuis que leurs parents respectifs se sont remariés et installés sous le même toit. Ils ont 40 ans, toujours puceaux donc, mais aussi pourris-gâtés, bornés, inaptes au travail, égoïstes, colériques… Et terriblement attachants.Très vite, comme la comédie américaine nous y a habitués, la monstruosité des personnages, en plus d’être une formidable usine à gags, joue comme révélateur de la bassesse des adultes “straight” et assoit la nécessité d’y échapper par tous les moyens. Un motif, particulièrement drôle et révélateur de cette violence, revient ainsi plusieurs fois dans le film : l’étreinte ratée, l’incapacité de deux corps à s’emboîter correctement, avec pour paroxysme le “hug” final entre Will Ferrell et son vrai frère (l’excellent Adam Scott). Il y a dans cette tendre passion pour les freaks quelque similitude avec le style des frères Farrelly, notamment un goût pour le slapstick en bas de la ceinture (bagarre dantesque entre les deux frangins après que l’un a frotté ses testicules sur le jouet de l’autre…) et une même morale du changement dans la continuité. C’est ainsi dans son dernier tiers, une fois épuisés les mille et un gags offerts par la situation initiale, que le film se révèle le plus émouvant, rejoignant presque la grâce de Deux en un. Acculés à grandir, les deux frères séparés finissent par comprendre, lors d’un concert épique, qu’ils ne peuvent s’accomplir que l’un à travers l’autre, en faisant de leur puérilité une force créatrice. Brillant théorème se concluant dans l’hilarité d’une ultime scène au programme simple : si on ne peut tuer l’enfant qui est en nous, tuons directement les enfants.
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