Les rapports ambigus de journalistes occidentaux avec le fixeur roumain qui les guide.
Dans la dense galaxie du cinéma roumain, Adrian Sitaru n’est pas encore le plus remarqué mais n’est pas le moins remarquable. Après Picnic, Best Intentions et le puissant Illégitime, il sonde cette fois le rapport entre son pays et l’Europe de l’Ouest.
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Jeune père de famille trentenaire, Radu est “fixeur”, c’est-à-dire chargé de guider les journalistes occidentaux dans les arcanes de la société roumaine : recherche de sujets, de contacts, traduction… Ici, il doit organiser une rencontre entre une équipe de télé française et une prostituée mineure qui vient de quitter la France et de rentrer dans son bled.
Un pays empêtré dans ses archaïsmes et un Occident arrogant
Au départ, Sitaru semble mener une dénonciation classique de l’esclavage international contemporain qu’est la prostitution dirigée par des réseaux mafieux, tout en célébrant la beauté “virginale” de son pays vu à travers ses campagnes et villages d’un autre âge (ce qui change du Bucarest théâtre habituel des films roumains).
Puis les enjeux moraux se complexifient. La ruralité charmante et pittoresque abrite aussi déshérence et violence latente, alors que Sitaru envoie quelques scuds sur l’arrogance des journalistes français en quête de scoops juteux à tout prix, et capables de réflexes de touristes condescendants.
Il renvoie dos à dos un pays encore empêtré dans ses archaïsmes et un Occident dont le sentiment de supériorité n’est pas totalement étranger au maintien desdits archaïsmes. Au croisement de ces fractures se tient Radu (et sans doute Sitaru), dont le regard, de plus en plus interrogateur et inquiet, est celui de nombreux citoyens européens face au morcellement culturel, social et politique de leur continent censé être uni.
Fixeur d’Adrian Sitaru, avec Tudor Aaron Istodor, Mehdi Nebbou (Rou., Fr., 2016, 1 h 39)
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