Fabriqué à partir d’images spectaculaires tirées de leurs expéditions , “Fire of Love” retrace la vie de Katia et Maurice Krafft, couple de volcanologues spécialisé dans la traque d’éruptions, pionnier·ères de leur discipline et amoureux·euses inconditionnel·les (et irrationnel·les) des profondeurs agitées de la Terre.
“On tombe amoureux de ce qu’on connaît, et plus amoureux encore de ce qu’on ne connaît pas.” Il est question dans Fire of Love d’un grand amour et d’épais mystères, d’aventures incandescentes et de folie douce et, plus encore, d’une soif de connaissance si insatiable qu’elle vire à l’obsession.
Dans un très beau documentaire, conçu à partir des innombrables images captées par le couple lors de leurs expéditions, la cinéaste américaine Sara Dosa remonte le fil de la vie intrépide menée par Katia et Maurice Krafft, le couple de volcanologues français qui a révolutionné la discipline en traquant des éruptions aux quatre coins du globe. De leur rencontre sur les bancs de l’université de Strasbourg dans les années 1960 à leur disparition tragique sur les flancs du mont Unzen au Japon en 1991, on suit 30 ans d’une existence météorique, entièrement dévouée à l’étude et l’exploration des volcans, ces monstres géologiques capables de modifier en quelques secondes la structure de la Terre pour les millénaires à venir.
Des images d’une beauté foudroyante
Les images, d’une beauté foudroyante, sont accompagnées par la voix veloutée de la cinéaste indé Miranda July (Moi, toi et tous les autres, Kajillionaire), qui murmure un texte à la poésie feutrée, alternant entre précisions biographiques et méditations philosophiques sur l’amour, le temps, et les mystères insondables qui bouillonnent sous l’écorce du monde.
C’est qu’il faut avoir un rapport singulier à l’existence pour se lancer à l’assaut de ces géants endormis, dont le réveil soudain et imprévisible peut transformer un paysage luxuriant en une plaine post-apocalyptique en un battement de cils. Adoptant une philosophie de vie en adéquation avec leurs expéditions, qui défiaient parfois la raison, Katia et Maurice n’ont jamais transigé avec le danger, conscient·es des risques qu’iels encourraient, les acceptant avec flegme, et peut-être aussi avec un peu de folie – cette part de folie qui avoisine toujours la passion quand elle devient dévorante.
De volcanologue à cinéaste
“Je ne suis pas un cinéaste, disait Maurice Krafft, mais un volcanologue errant obligé de filmer pour continuer à errer.” Fire of Love semble pourtant suggérer le contraire tant les images, comme échappées d’un film de science-fiction se déroulant sur une planète lointaine, fascinent par leur étrange cinégénie, sublimées par le sens du cadrage et, il faut bien le dire, de la mise en scène de Maurice Krafft, volcanologue errant ascendant cinéaste.
Quelque part à la rencontre entre le temps géologique, prodigieusement long et indifférent des affaires humaines, et le temps des Hommes, fulgurant et consumé par les passions, il y a eu Katia et Maurice Krafft, lien entre les profondeurs magmatiques de la Terre et sa surface, mort·es côte à côte au pied d’un des rares volcans dont iels n’auront pas percé les mystères.