En contant la semaine haute en couleurs d’une attachante bande de potes gays en virée à Fire Island, Disney+ s’empare enfin de la question LGBT+. Pile pour le mois des fiertés.
Si l’on vous parle d’une comédie Disney+ incluant les mots “anal”, “onlyfans”, “footfucking” et “backroom”, en toute logique, votre cerveau bugge (comme l’algorithme de Google si vous tapez ces mots à la suite dans le moteur de recherche). Pourtant, c’est le tour de force réussi par Fire Island, comédie queer et incisive disponible sur la plateforme.
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Chaque été, une bande d’amis gays se retrouve pour une semaine de liberté, de cuite et de sexe dans la maison d’une amie lesbienne (campée par Margaret Cho) située sur Fire Island. Sorte de Mykonos américain baignant au large de New York, cette île est depuis les années 70 un “Disneyland gay” comme la décrit le narrateur.
Réunissant des trentenaires asio-américains complexés, noirs et gros, latinos et efféminés — et tous fauchés par dessus le marché — la joyeuse clique ne correspond pas vraiment aux standards blancs et upperclass de ce paradis queer. Qu’importe, ils sont là pour faire la teuf. Cœur vibrant de cette famille homo, un duo de “besties” aux origines asiatiques : Noah, garçon au corps sculpté et serialfucker (le standupeur Joel Kim Booster également auteur du scénario) et Howie, plus désabusé et fleur bleue (joué par Bowen Yang, nouveau wonderkid de l’émission SNL). Mais cette année, le premier met au défi le second de s’envoyer en l’air. Quitte à lui faire ceinture, jusqu’à ce que la mission soit accomplie.
Disney et les LGBT, “c’est compliqué”
On entre dans Fire Island avec une légère angoisse : est-ce bien raisonnable de compter sur Disney pour représenter justement les vies queers ? Après tout, en basant une bonne partie de son business model sur le mythe du prince charmant, Disney n’a pas fait le plus grand bien à l’hétérosexualité.
L’histoire entre Disney et les LGBT+, c’est un peu un statut Facebook de 2009 : “C’est compliqué”. Côté cinéma, c’est un constat d’échec. Dans ses productions internes, le géant de l’entertainment s’est longtemps limité aux références implicites (la méchante Ursula dans La Petite Sirène inspirée par Divine, l’égérie drag de John Waters). Dernièrement, dans les blockbusters issus de ces nombreuses filiales, les studios ont laissé glisser un furtif baiser lesbien (L’Ascension de Skywalker), une flic queer (En Avant de Pixar) ou un couple de mamans (Doctor Strange 2). Tout cela restant facilement éditable au montage pour garantir aux studios de sortir ces films sans trop d’encombre dans les pays les moins progressistes.
Mais le streaming semble décomplexer Mickey. Certes, en plein Covid-19, les studios ont lâchement abandonné leur adaptation de la comédie musicale queer Jamie à Amazon Prime. Mais, après quelques louvoiements, la série Love, Victor, d’abord reléguée sur HULU, à trouver toute sa place sur Disney+.
La possibilité d’un “gay gaze”
Relecture libre du roman du XIXe siècle Orgueil et Préjugés, déjà maintes fois adapté au cinéma comme à la télévision, Fire Island est une fausse romcom, ainsi qu’une vraie comédie de bande. Légère, en plus. Trop longtemps, les films LGBT+ sont restés embourbés dans le dolorisme (complaisance à la douleur, ndlr), tournant en rond autour des notions de coming out, de l’homophobie ou de la maladie. Même les comédies faisaient du rejet de la différence leur principal ressort (Extravagances, Priscilla Folle du Desert, But I’m a Cheerleader). Rien de tout cela ici. Si Fire Island manque un peu de fantaisies et cède parfois au jeu de la comédie de vacances formatée, c’est pour mieux défendre en sous-texte une certaine radicalité.
Par exemple, il n’y a aucun hétéro à l’écran. Le film met ainsi à jour d’autres oppressions que l’homophobie, celles qui se jouent à l’intérieur même de la communauté LGBT+. Les gays, blancs et riches d’un côté et les personnes queers racisées et pauvres, de l’autre. En outre, l’intégralité du casting compte uniquement des comédien.nes ouvertement LGBT+, une éthique émergente à Hollywood. Si on osait, on parlerait d’un “gay gaze” tant la réalisation pose un regard latéral, tendre, mais parfois acide sur la communauté homosexuelle masculine.
Backroom
Avec Fire Island, Disney espère très certainement être enfin salué pour son effort de représentation queer. Mais aussi, pourquoi pas, de toucher un large public. Après tout, le succès de séries telles que Heartstopper, It’s a Sin, Euphoria ou de films comme Call Me By Your Name, ne s’est pas uniquement construit sur des audiences LGBTQ+.
Fire Island de Andrew Ahn, avec Joel Kim Booster, Bowen Yang et Margaret Cho est disponible en streaming sur Disney+ dès le 3 juin.
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