Un jeune homme de Hanoï entreprend de changer de sexe. Un journal filmé d’une bouleversante délicatesse.
“Finding Phong” s’ouvre sur un plan tremblotant. A travers un grillage, la caméra fixe les feux d’artifice qui célèbrent au loin la première nuit de la nouvelle année vietnamienne. Dans cette atmosphère festive, une voix murmure son malheur d’être une femme prise au piège d’un corps d’homme. Cette voix appartient à Phong, cadet d’une fratrie de six enfants. Lorsque, à 20 ans, le jeune homme déménage à Hanoï, il décide de véritablement changer de sexe. Pour cela, il doit commencer un traitement hormonal dont l’issue finale le conduira dans une clinique thaïlandaise spécialisée.
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Caméra au poing, il va documenter les étapes de sa quête d’identité. Amis de Phong, les documentaristes Tran Phuong Thao et Swann Dubus lui ont laissé dans un premier temps les rênes du film. Chaque semaine, il leur remettait les rushs des plans qu’il avait tournés à l’abri de sa chambre en ville ou au grand air du jardin familial.
Prenant la forme du journal filmé chère à Jonas Mekas ou Alain Cavalier, la caméra est d’abord le réceptacle de sa solitude tourmentée, de l’incompréhension de sa mère et de l’idéale version qu’il se fait de son soi féminin. Puis les premiers effets des hormones se font visibles et Phong commence à se sentir à l’aise dans sa chair pour la première fois de sa vie. Elle prend alors un badin plaisir à flirter avec la caméra et à mettre en scène sa mue de genre en compagnie de ses amies ou d’autres transgenres croisés dans les rues de Bangkok lors d’une visite préliminaire en Thaïlande.
Plus le film avance, plus son champ s’ouvre au monde, s’élargit, s’aère et s’apaise, comme si l’intimité du rapport à la caméra était modulés par le poids du regard que nous portons sur nous-même. Doucement débarrassée du fardeau que représentait sa masculinité, Phong délègue aux réalisateurs le soin de dorénavant capturer la suite de sa transformation. Ce sublime mouvement de dézoome finit par embrasser les autres membres de sa famille qui prennent une savoureuse épaisseur, même si avec la multiplicité des points de vue arrive aussi le poids des traditions vietnamiennes favorisant toujours plus les garçons que les filles.
Mais plus qu’une idée de la caméra comme pur outil de recherche d’identité, Finding Phong est habité par une sensibilité aux oscillations du réel d’une rare intensité. Aussi attentive aux infimes variations du corps qu’aux imperceptibles fluctuations des sentiments, cette délicatesse habite tout le film et lui confère une précieuse justesse.
Finding Phong de Tran Phuong Thao et Swann Dubus (Viet., Fra., 2015, 1 h 32)
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