La musique joue dans les films de Xavier Dolan un rôle prépondérant. Véritable levier émotionnel, elle accompagne les spectateurs longtemps après la fin du générique. « Juste la fin du monde » ne déroge pas à la règle avec 9 titres minutieusement choisis.
Que cela soit dans Les Amours Imaginaires avec le Bang Bang de Dalida, dans Laurence Anyways avec New Error de Moderat ou alors dans Mommy avec Wonderwall d’Oasis, chaque film du réalisateur bénéficie d’un titre phare voire de véritables playlists dans laquelle une partie de l’identité du film réside. Interrogé sur le sujet dans un documentaire récemment diffusé sur Ciné+Emotion, Xavier Dolan déclarait que le désir d’un film naissait même parfois de la rencontre avec un morceau de musique, que les premiers plans auxquels il pense sont ceux qui accompagnent cette musique et que le reste du film; le scénario, le découpage, les personnages, viennent après. Juste la fin du monde est jalonné de 9 morceaux sortis, à une exception près, après l’an 2000.
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Home is where it hurts – Camille
Sorti en 2008 sur Music Hole, le quatrième album de Camille, ce morceau est celui du générique de début du film. La chanteuse française raconte ses peurs de résider dans une maison sans toit ni porte. Cet état de détresse illustre au premier degré la tempête sous un crâne que vit Louis (Gaspard Ulliel) dans le taxi qui la ramène dans sa famille après douze ans d’absence.
I miss you – Blink-182
Quand le personnage incarné par Léa Seydoux vide son sac de reproches, ce morceau du groupe américain de pop-punk sorti en 2003 est présent en toile de fond. Il illustre ce personnage d’ado révoltée et incomprise.
Are you with me – Lost Frequencies
Felix De Laet aka Lost Frequencies est un producteur de Tropical House belge de 22 ans. Are you with me l’a propulsé en 2014 au sommet du hit-parade dans de nombreux pays. Ce titre tout comme le tube d’O-Zone semblent renvoyer à la culture populaire dans laquelle baigne la famille de Louis.
Genesis – Grimes
A contrario, les deux titres propres à Louis, Genesis et Une Miss s’immisce sont des titres d’artistes beaucoup plus pointus et branchés qui marquent la fracture culturelle avec le reste de sa famille. Ce morceau magnifique de Grimes dont on entend que les premières notes est sorti en 2012 sur le non-moins magnifique Visions, disque inclassable entre pop nippone, dark wave et électro expérimentale.
Dragostea Din Tei – O-Zone
Le talent de Xavier Dolan tient aussi dans sa capacité à s’approprier des éléments de la culture populaire des années 2000 dans laquelle il a, comme les jeunes de sa génération, grandit. Immense tube de l’été 2004, Dragosta Din Tei (L’amour dans les tilleuls ou Du quartier des tilleuls suivant les interprétations) du groupe roumain O-Zone nous a tous marqué. Son utilisation dans le film crée un moment assez beau avec cette chorégraphie maladroite entre Nathalie Baye et Léa Seydoux auquel le personnage incarné par Gaspard Ulliel assiste, quelque peu gêné.
Une miss s’immisce – Exotica
Reprise d’un morceau de Françoise Hardy sorti en 1988, Une miss s’immisce illustre l’une des plus belles séquences du film. Au contact de son ancien matelas, Louis se souvient d’un amour adolescent. Réminiscences d’étreintes et tourbillons de caresses passées que ce morceau d’électro-pop érotise délicieusement. Derrière Exotica se cache deux français, Julien Galner et Clara Cometti qui ont sorti un premier LP en 2014 intitulé La Vierge et le Tigre. Mais vous ne trouverez pas cette magnifique reprise sur cet album puisqu’il est en fait présent sur la compilation French Kiss de Colette.
Spanish Sahara – Foals
Groupe britannique indé qu’on ne présente plus, Foals sort en 2010 son deuxième album studio, Total Life Forever, dont Spanish Sahara, sacrée meilleure chanson de 2010 aux NME Awards, est l’un des singles. Comme Home is where it hurts, cette complainte mélancolique illustre l’état d’angoisse dans lequel Jules se trouve. A noter que le titre avait déjà été utilisé dans Les Biens-aimés de Christophe Honoré.
Hear you me – Jimmy Eat World
Groupe de rock américain formé en 1993, Jimmy Eat World sort en 2001 un quatrième album intitulé Bleed America (qui sera sobrement rebaptisé Jimmy Eat World après les attentats du 11 septembre). Elle fut écrite en hommage à deux sœurs mortes dans un accident de voiture.
Natural Blues – Moby
On aurait aimé garder le meilleur pour la fin mais malheureusement ce titre tiré de l’album Play (1999) qui achève le film a mal vieilli. Pourtant ce qui gêne n’est pas tant l’utilisation du morceau mais son inscription dans le film – couplé à un dernier mouvement de caméra très prévisible et à l’effet de sens trop insistant.
Nous pardonnerons aisément cette lourdeur au jeune réalisateur tant Juste la fin du monde impressionne par sa cohérence et sa force émotionnelle. Rappelons que le film sorti en salle mercredi dernier fait un démarrage canon et devrait rester à l’affiche de nombreuses semaines.
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