Malgré des comédiens remarquables, le nouveau film d’Olivier Assayas s’abîme dans les tics stylistiques et les maladresses narratives.
La déception ressentie devant Fin août, début septembre est à la hauteur de l’attente qu’avaient suscitée Irma Vep, le précédent film d’Olivier Assayas, et HHH, son documentaire consacré à Hou Hsiao-hsien. Dès l’ouverture de Fin août, début septembre, le champ paraît se rétrécir sur des signes bien balisés. La séparation d’un couple de trentenaires parisiens et intellectuels (Amalric/Balibar) y est pourtant livrée avec la même image granuleuse et la même caméra portée que dans Irma Vep. Mais la légèreté apparente du dispositif technique n’est plus mise ici au service de l’expérimentation et de la figure libre.
Assayas revient vers le ciné-roman psychologique « à la française », les personnages soigneusement construits et la peinture d’un milieu microcosmique, agité par les conflits de réussite et les déchirements sentimentaux de rigueur. La régression thématique resterait sans conséquences fâcheuses si elle s’accompagnait d’une avancée vers de nouveaux motifs narratifs et plastiques, comme dans Une Nouvelle vie et L’Eau froide. Hélas, le film ne parvient qu’à produire une pénible impression générale de piétinement et de maladresse.
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Le matériau de départ est moins en cause que l’utilisation qui en est faite. Très typés socialement et culturellement, les quatre personnages principaux de cette histoire de deuils successifs, qu’ils soient amicaux ou amoureux, échappent le plus souvent à la caricature. Le mérite principal en revient aux comédiens, tous admirables de bravoure et d’énergie, qui se démènent pour combattre la somme de tics formalistes qui pèse sur l’ensemble. En optant pour une narration éclatée, construite autour de la figure d’un romancier (François Cluzet) bientôt atteint d’une mystérieuse maladie mortelle, Assayas s’accordait la possibilité de « laisser du jeu » à son récit et d’aboutir à une véritable polyphonie narrative, constituée de variations et de digressions autour des thèmes récurrents de la cruauté de la force vitale et du pardon nécessaire.
Mais on s’aperçoit vite que les cartons qui soulignent les changements de chapitres et les brusques noirs en fin de séquences ne sont que des afféteries stylistiques, chargées d’animer très artificiellement des situations convenues et des ressorts dramatiques archétypaux. En voulant donner le change par quelques phrases d’autocritique trop bien senties quant à l’art du roman, ou en exposant les pires clichés dans des à-plats qui se voudraient ironiques (Nathalie Richard et sa « communauté »), Assayas ne fait qu’exhiber encore plus lourdement sa propre affectation.
Les fondus au noir surviennent à chaque fois que la séquence devient intéressante, et la gestion de la délivrance de l’information est indigne d’un scénariste aussi expérimenté. Les scènes et les personnages perdent toute autonomie et se transforment en guichets de renseignements ou en greffiers d’eux-mêmes, chaque dialogue nous accablant de son petit lot de faits nouveaux trop vite lâchés quant à la santé d’Adrien, les ennuis d’argent de Jenny ou les amours compliquées de Gabriel. L’aspect faussement agité du filmage, avec ses recadrages insensés sur le Perrier qu’apporte le garçon de café, accuse encore l’artificialité pétrifiée d’un film scolaire qui ne sait que prendre la pose du bon élève moderne, faute de trouver quoi que ce soit de vraiment neuf.
La faillite se transforme en typage franchement ridicule quand Assayas sacrifie à la scène sadomasochiste trop attendue et livre Virginie Ledoyen aux mains et aux liens experts d’un balafré pas intello du tout qui se gave de poulet-mayonnaise avant de retourner à son atelier de confection ! Passons et attendons le prochain rebond.
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