Portrait de femme héroïque, récit d’aventure et rêverie sensuelle : un superbe premier film français.
Dans la famille en expansion du jeune cinéma français, peut-être manquait-il une figure de voyageur, quelqu’un qui se risque dans des territoires inconnus et filme des corps singuliers. Lucie Borleteau,
33 ans, pourrait être celle qui suit cette voie. Ancienne productrice, formée aux courts métrages, elle se révèle avec un beau premier long, Fidelio – L’odyssée d’Alice, un grand récit sentimental et sexuel à la croisée des imaginaires et des genres.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
L’Alice du titre est une jeune femme en apparence ordinaire, qui a atteint l’âge des choix capitaux. En couple avec un dessinateur romantique (Anders Danielsen Lie, fabuleux ange blond repéré dans Oslo, 31 août), elle semble promise à une vie paisible et un avenir tout tracé. Mais voilà qu’en un raccord prodigieux, le même qui faisait basculer Interstellar de sa tragédie terrestre au cosmos, Alice se retrouve propulsée en mer, embarquée sur un cargo où elle occupera le poste de mécanicienne.
A bord de ce monstre métallique, rafiot en ruine auquel le format scope redonne toute sa puissance mythologique, elle se mêle à une petite communauté de marins et retrouve son amour de jeunesse (Melvil Poupaud), un commandant mystérieux dont elle s’éprend à nouveau. Partagée entre ces deux hommes, entre son confort sur terre et une vie d’aventure, Alice doute, se cherche, expérimente. Elle est la force vive de ce ménage à trois, un simple drame conjugal que Lucie Borleteau transforme en odyssée existentielle à la fois intimiste et épique, oscillant du secret des cabines à l’immensité du grand large.
Entièrement dévoué à son personnage et premier rôle (Ariane Labed), le film doit sa principale originalité à ce renversement des genres, qui fait d’une femme un marin héroïque, irréductible aux déterminismes psychologiques ; un corps libre, en somme, éprouvant ses désirs à la faveur de scènes de baise intenses et sensuelles.
Mais la beauté de Fidelio est surtout qu’il double cette quête sentimentale d’une rêverie imaginaire, et délaisse peu à peu le registre du naturalisme sec (la description documentée des machines) pour se laisser enivrer par les fantasmes que charrie son cargo mythique. Fantasmes d’un monde pirate peuplé d’âmes solitaires, de sirènes et de fantômes, tel ce marin suicidé dont le journal intime, déchiffré par une voix off, sert de fil rouge à la quête d’Alice. Fantasmes d’un cinéma français qui prône l’évasion et retrouve un souffle aventurier.
{"type":"Banniere-Basse"}