Le nouveau Pasolini
Dévoilement au festival PREMIERS PLANS d’un scénario inédit, et non
mis en scène, de l’auteur de Salò ou les 120 journées de Sodome.
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L’événement majeur de cette 19e édition
du festival Premiers Plans d’Angers
fut la rétrospective consacrée à
Pier Paolo Pasolini. Le public angevin
ne s’y est d’ailleurs pas trompé,
venu plus nombreux que jamais à ce rendez-vous
cinématographique comprenant la projection
de films rares voire inédits en France
du grand cinéaste italien, précieux flocons
tombés du ciel festivalier. Opérant un lien
étrange entre le destin d’un film et son sujet,
les quelques images d’un documentaire de
PPP miraculeusement sauvées de la poubelle
concernent la grève des éboueurs romains en
avril 1970.
Insérées au documentaire de Mimmo Calopresti,
Comment peut-on ne pas aimer Pasolini ?,
ces plans sur les déchets de la ville, sur les
visages des grévistes, brassent une matière
située au coeur même de la poétique très
politique de Pasolini. Comprendre le monde le
plus justement possible, c’est voir et considérer
avec autant d’attention le caniveau et le
ciel, les faire dialoguer sur un même plan,
dans un même mouvement cosmique. Ce
souci de ne pas trahir la réalité, de la réfléchir
le plus largement possible avec l’espace et le
temps, on le retrouve intact dans ce documentaire
diffusé en 1973 par la télévision italienne,
Pasolini et… la forme d’une ville.
D’après Paolo Brunatto, crédité comme réalisateur
au générique, c’est à Pasolini qu’il
revient d’attribuer ce film dont il décida de
toutes les prises de vues. Le cinéaste, rebuté
à l’idée de s’adresser à un spectateur de télévision
sans visage, explique à Ninetto Davoli,
son acteur et ami, la dégradation de la ville
d’Orte, la perte de son unité historique dans
le paysage après la construction de maisons
et d’immeubles. Soit, indirectement, la description
de l’une de ses grandes préoccupations
de metteur en scène : la perspective
historique. Montré entre ces deux films, le
superbe Carnet de notes pour une Orestie africaine
apparaissait comme l’expression parfaite
de ce beau souci en questionnant la pertinence
et les formes cinématographiques possibles
d’une adaptation de l’Orestie d’Eschyle
en Afrique.
Et puis il y eut le moment le plus magique
d’entre tous, instant hors du temps, hors du
cinéma, et pourtant comprenant plus que
jamais l’un et l’autre dans l’impressionnant
voyage auquel il nous invitait : la lecture par
Jeanne Moreau – brillante – de Porno-Théo-
Kolossal, scénario inédit de Pasolini, coécrit
avec Sergio Citti entre 1965 et 1975 (année
de son assassinat). Le texte, complètement
abouti, s’impose comme un véritable roman
picaresque truffé de rebondissements tragicomiques.
Guidés par l’étoile du berger censée les
conduire au Messie, un mage et son servant
quittent Naples et traversent Sodome (Rome),
Gomorrhe (Milan), Numance (Paris) pour
finir à Ur, en Orient. Au fil de leurs péripéties
se dessine un monde apocalyptique, ravagé
par différents types de totalitarisme. Non,
Sal˜ n’était pas le film testamentaire de Pasolini
qui était sur le point de franchir un nouveau
seuil cinématographique. Rien n’est clos
chez les grands artistes.
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