Le festival La Lucarne qui rassemble football et cinéma va se tenir du 3 au 8 juin à Paris. C’est Stéphane Meunier, réalisateur des « Yeux dans les Bleus » – documentaire retraçant l’épopée de l’équipe de France lors de la coupe du Monde 1998 – qui sera le parrain de cette deuxième édition.
Parrain de la deuxième édition du festival La Lucarne (qui se tiendra du 3 au 8 juin à Paris), Stéphane Meunier a su saisir les coulisses de ce qui restera comme la plus belle aventure du football français, la coupe du Monde 1998. Il en tiré un documentaire, Les Yeux dans les Bleus, une référence du genre pour les amateurs de ballon rond.
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Le réalisateur sera ainsi présent pour la soirée d’ouverture du mardi 3 juin ainsi qu’à la soirée Courts Métrages du mercredi 4, durant lesquelles une occasion unique sera offerte au public présent d’échanger avec le réalisateur à propos de cette magnifique aventure vécue en compagnie des Bleus.
Vous êtes le parrain de la deuxième édition du festival La Lucarne qui se tient du 3 au 8 juin à Paris. Pouvez-vous nous présenter ce festival ?
Stéphane Meunier – Je leur ai dit : « Un parrain, ça signifie que je vais vous apporter quelque chose, en terme de médiatisation. » Je pense qu’il y a des gens plus médiatiques que moi, pour parler merveilleusement bien du football. Eux parlent de cinéma, de films et de sport. Et c’est vrai que mon film a marqué le documentaire sportif. C’est un genre dont j’étais fan. Avant de faire les Yeux dans les Bleus, j’avais revu When we were Kings (documentaire de 1996 retraçant le combat de boxe entre Mohamed Ali et George Foreman de 1974 à Kinshasa, réalisé par Leon Gast, ndlr), j’adore ! C’est un film superbe. Ça m’a beaucoup inspiré. La Lucarne, c’est un festival qui regarde le monde par le biais du football. Il y a le sport et le sport dans la société. Le football marque les époques. Lors de la coupe du Monde 98, j’avais envie de vivre l’évènement autant que les matchs, de vibrer pour mon pays. La Lucarne pour moi, c’est ça. Des gens qui, par le biais du football, regardent le monde, leur époque.
Comment en vient-on à filmer le football ?
J’étais journaliste, j’ai passé plusieurs années chez Capa, en immersion. J’ai aussi bossé pour 24h, le magazine de Canal +. Chaque semaine, on racontait, en une heure, un événement qui faisait l’actualité dans le monde. Puis Canal + m’a proposé de bosser sur les Jeux olympiques d’Atlanta en 1996. Je me suis régalé. Je m’occupais des « coulisses », les « à-côté ». J’étais au contact des athlètes, mais d’une façon différente. J’ai aussi fait le Paris-Dakar, la voiture-balai, mais ça m’intéressait moins. On était 18 heures par jour en voiture. Et quand la coupe du Monde est arrivée en France, Canal m’a proposé de m’en occuper.
Vous avez tout de suite eu l’idée des « Yeux dans les Bleus » ?
Je me suis dit : vu mon expérience d’Atlanta, si je fais la même chose, je ne vais pas voir un match ! Alors que j’avais très envie de suivre la compétition avec mes potes, en mangeant de la pizza et en buvant des bières. L’idée des Yeux dans les Bleus je l’ai un peu eue par défaut. Le meilleur moyen de ne pas louper la coupe du Monde en travaillant dessus, c’était d’être avec l’équipe de France en fait.
Le concept pouvait paraître très novateur pour l’époque ?
Il faut se rappeler de 1998, la société était différente. Il n’y avait pas encore eu de boom de l’Internet, le téléphone portable ne s’était pas généralisé, la télé-réalité n’existait pas. Quand on parle de suivre le quotidien de l’équipe de France aujourd’hui, ça paraît tellement banal, on peut filmer avec un téléphone. Alors qu’à l’époque, l’idée était beaucoup plus pertinente.
On a le sentiment que les joueurs sont devenus paranoïaques aujourd’hui. Vous avaient-ils facilement accepté dans le vestiaire ?
Très facilement oui. En fait, j’ai eu de la chance, Hervé Chabalier chez Capa disait : « Ne pas avoir de chance, c’est une faute professionnelle quand on est journaliste. » Sur ce projet j’en ai eu beaucoup. On ne parlerait peut-être pas des Yeux dans les Bleus aujourd’hui si on n’avait pas été champions. Ou pas de la même manière en tout cas. Le documentaire n’aurait peut-être pas autant marqué. J’en suis conscient. Ma chance, c’est aussi d’être tombé sur une génération brillante de footballeurs, tant sur le terrain qu’en dehors. Enfin, j’ai eu la chance que la compétition se déroule en France, et qu’on la gagne pour la première fois dans l’histoire.
Savaient-ils déjà gérer leur image ?
Ils avaient une distance, du recul sur eux-mêmes. Ce n’était pas des gens faciles pour autant. mais le sélectionneur, Aimé Jacquet, disait qu’on ne gagne pas une coupe du Monde avec des moutons. Certes ils ne l’étaient pas, mais c’était des gens qui arrivaient à maturité dans leur vie et les jeunes qui étaient là étaient des mecs intelligents. Et surtout il n’y avait pas encore toute cette sur médiatisation. Bon on n’était pas à l’âge de pierre non plus hein. C’est une des raisons pour lesquels, le projet a été possible.
Quel impact a eu Aimé Jacquet sur le projet ?
En parlant d’intelligence il faut mentionner Aimé Jacquet. Il a fait face à énormément de pression de la part des médias avant la compétition, en tant que sélectionneur. Il était très surveillé. La France le détestait. Alors qu’Aimé, c’était un mec intelligent et généreux. Il avait accepté que je sois là, ça partait de sa volonté d’être généreux avec les joueurs et les gens qui l’entouraient. Il répétait souvent : « Il faut qu’on garde un souvenir de ça, donc il faut le filmer. Car un jour sa deviendra un événement très important. » Et il avait raison. Quand un footballeur a la chance de jouer une Coupe du Monde, dans son pays, c’est extraordinaire.
Vous avait-il dit, à certains moments, qu’il ne souhaitait pas votre caméra ?
Il l’a dit une fois. Au tout début à Clairefontaine (le centre d’entraînement de l’équipe de France – ndlr), quand les joueurs allaient arriver. Il a réuni tout le staff technique, il m’a dit qu’il allait accueillir les joueurs dans le salon rose pour leur parler. Puis il s’est tourné vers moi et il a dit : “Sauf toi.” Je pense qu’à ce moment-là, il avait envie de leur parler de moi, de leur expliquer le projet. J’étais un poids pour eux quand même. Alors j’ai attendu qu’il finisse sa réunion, je l’ai suivi jusqu’à sa chambre et je lui ai dit : « Coach, soit je fais partie de l’histoire, soit je m’en vais. » Et il m’a dit OK. La réunion a eu lieu, il a dit ce qu’il avait à dire. Je me suis présenté aux joueurs, je leur ai dit que j’aimais le foot, mais que je n’étais pas fan. Je leur ai parlé de mes premiers souvenirs avec mon père. Je les ai aussi prévenu que je ne connaissais pas bien leur univers, que parfois je pourrais me tromper et qu’il fallait me le dire. Je ne suis pas en porcelaine. Et là, Laurent Blanc m’a regardé et m’a répondu : « Ok, viens avec nous alors. »
Et il n’y a plus eu de moments de tensions ?
Plus jamais ! Ils ne m’ont jamais fermé de porte. Le principe était simple, j’étais là tout le temps. Je n’ai pas loupé une causerie, j’étais là avant qu’ils ne soient là. Quand un joueur entrait quelque part, il me voyait déjà. J’étais là au petit déjeuner avec le premier joueur debout le matin et avec le dernier, le soir au massage. J’étais là tout le temps, à tous les entraînements. Je portais les piquets, les sacs de ballons, j’étais là tout le temps, que je filme ou non. C’était devenu ordinaire pour les joueurs de m’avoir dans leur champ de vision.
https://www.youtube.com/watch?v=FZQdurLBbnQ&feature=kp
Vous avez réalisé les Yeux dans les Bleus 2 et 3 après ça, autour de la coupe du Monde 2002. Avez-vous senti le fiasco arriver de votre position (la France éliminée au premier tour, sans marquer un seul but) ?
Non pas tout de suite. Je pense que personne ne l’a vu venir… Les conditions n’étaient pas les mêmes pendant la préparation, il ne s’agissait que de rassemblements durant quelques jours. On arrivait, on prenait l’avion, on faisait un match et on repartait.
C’était votre idée de continuer ?
Je voulais encore les suivre pendant la compétition. Canal + et la Fédération française de football se sont dits que ce serait bien de filmer aussi la préparation. J’allais un peu dans l’inconnu lors de la préparation. La coupe du Monde n’a pas été gagnée en 2002. Le film est moins dense, les joueurs sont moins bons et peut être que moi aussi. Je n’ai peut-être pas la même fraîcheur, mais c’est comme ça, c’est la vie des films. On ne peut pas ne pas faire de films si on n’est pas champions du monde à la fin.
Quel regard portez-vous dessus avec le recul ?
Ils ont un intérêt ces deux opus suivant, je trouve, mais je ne les ai pas revus depuis. J’aime la longueur des Yeux dans les Bleus 2, le temps qui passe et la manière dont c’est raconté. Pour les Yeux dans les Bleus 3, le film décrypte certains éléments qui font que rien n’a marché. c’est au spectateur de lire entre les lignes.
On sent une tension dans le deuxième opus…
Il n’y avait pas une mauvaise ambiance, juste moins de fraîcheur. Il y avait un peu trop de pression pour le coach Roger Lemerre. Il dégageait de la tension, Roger, ce n’était pas facile. Elle ressortait et moi, je la sentais. Mon travail, c’est d’être une éponge. De ce que dégagent les autres, pour essayer de capter la tension et de la filmer. Il n’y avait pas la même facilité à gérer la pression médiatique, il y en avait beaucoup plus, ce n’était pas facile, il y avait beaucoup de demandes. Beaucoup de pression, alors quand, en plus, les résultats ne sont pas là… C’était terrible quoi.
N’auriez vous pas aimé filmer l’équipe de France lors de la coupe du Monde 2010 ? Qui, d’un point de vue médiatique a été très riche.
D’un point journalistique, ça aurait été hyper intéressant c’est sûr. Mais ça a déjà été tellement décrypté et raconté. Je ne sais pas si j’aurais pu apporter quelque chose de plus. Mais la question ne se pose pas. J’ai travaillé avec une génération de joueurs, ça m’a pris beaucoup d’énergie. On était tous un peu assommés après la coupe du Monde de 2002. Je les ai tout de même accompagnés pour un match amical, juste après le fiasco, en Tunisie. Je ne savais plus quoi faire. Je n’avais pas envie d’accompagner pour accompagner. Je sentais que j’allais me perdre, je ne me sentais plus capable d’inventer quelque chose, de filmer avec du plaisir, de trouver un intérêt, de ne pas tomber dans la routine. Je ne pas devenir le mec qui filme les vestiaires.
Vous avez gardé contact avec Zinédine Zidane après ça ?
On a fait un film ensemble, Le Dernier Match. Quand Zizou a annoncé son retour en équipe de France pour la coupe du Monde 2006, moi je n’y croyais pas. J’ai recommencé à filmer quand il est revenu, car c’était sa dernière coupe du Monde et je le savais. Je l’ai appelé, je l’ai récupéré à son hôtel et je l’ai amené à Clairefontaine en voiture. Là je lui ai dit : « Voilà, tu reviens en équipe de France. Moi j’ai arrêté de filmer le foot, je fais autre chose. Mais tu es le plus grand joueur de l’histoire du foot, avec Pelé, Maradona ou Platini. Et je te connais. Tu n’es pas obligé d’accepter, mais vu la trajectoire que prend ta vie, ta carrière, je suis obligé de te proposer d’essayer de faire quelque chose. »
Qu’a-t-il répondu ?
Il m’a dit OK. Et j’ai dû trouver quoi faire. J’ai décidé de l’accompagner à tous ses matchs en Espagne (Zidane évoluait à Madrid à l’époque, ndlr), j’étais dans sa chambre lors des mises au vert, etc. Et on a conçu l’idée, petit à petit, d’aller vers son dernier match, la finale de la coupe du Monde 2006 face à l’Italie (défaite de la France aux tirs au but). Je lui ai dit : « Quand tu en auras fini, ce sera la fin pour moi aussi. Tu seras le dernier footballeur à qui je parle ! » (rires). Et c’est pour ça que refaire quelque chose après en 2010, ça ne peut plus être moi, c’est mort ! J’étais au top de ma forme pendant les Yeux dans les Bleus, j’étais en plein rêve !
Propos recueillis par Julien Rebucci
Festival La Lucarne, du 3 au 8 juin à Paris. Retrouvez la programmation officielle et toutes les informations sur http://lalucarne.fr/
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