Revue annuelle des films américains parachutés en éclaireurs sur la Normandie. Une bonne cuvée. Le Festival du cinéma américain de Deauville s’est révélé cette année de très bonne qualité avec une compétition relevée et une série de films de studio pour une fois atypiques. Alors que le paysage économique du cinéma américain se caractérise par […]
Revue annuelle des films américains parachutés en éclaireurs sur la Normandie. Une bonne cuvée.
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Le Festival du cinéma américain de Deauville s’est révélé cette année de très bonne qualité avec une compétition relevée et une série de films de studio pour une fois atypiques. Alors que le paysage économique du cinéma américain se caractérise par un resserrement des structures de production et une concentration horizontale a priori peu propices à l’innovation, les studios viennent de miser durant l’été sur trois produits tout à fait conformes à la politique marketing mise en place aujourd’hui : Mission : impossible adapté de la série télé à succès du même nom, Escape from LA de John Carpenter suite du célèbre New York 1997 , et Independence Day qui reprend le principe des films de science-fiction paranoïaque des années 50 tels qu’Earth vs Flying saucers, où l’Amérique s’improvisait sauveur du monde contre une invasion extraterrestre.
Independence Day pousse le bouchon encore plus loin et va jusqu’à faire coïncider le 4 juillet, date anniversaire de la fête nationale américaine, avec le jour où le monde a sauvé sa peau contre une horde de barbares venus de l’espace. Ce scénario catastrophe pourrait prêter à sourire s’il n’était pas signé par un cinéaste européen, Rolland Emerich, stigmatisant brillamment ce qui manque le plus à l’Amérique : une mémoire et une histoire. Tels les extraterrestres du film, l’Amérique semble réduite à annexer une histoire comme s’il s’agissait d’un simple territoire.
Il faudra revenir sur Mission : impossible lors de sa sortie au mois d’octobre. Gigantesque opération marketing menée par la Paramount, Brian De Palma n’a pourtant pas dû sentir comme un poids la mission qui lui était assignée : livrer le blockbuster de l’été. Il se moque de son sujet comme de l’an 1000 la mission, proprement impossible, ne dure qu’un quart d’heure et échoue misérablement. Véritable film conceptuel, réflexion organisée sur la mise en scène, le pouvoir des images et sur le cinéma comme art de l’illusion, Mission : impossible doit plus à Pirandello et Brecht qu’à la série du même nom.
Escape from LA et Nos funérailles figurent parmi les meilleures réussites de leurs metteurs en scène respectifs, John Carpenter et Abel Ferrara. Alors que le premier fait déjà figure de vétéran par rapport au second, il semble pourtant que les deux cinéastes soient arrivés au bout de leur système et qu’au lieu de s’exposer à une panne d’inspiration, ils aient préféré mettre leur cinéma à l’épreuve pour sombrer dans un chaos parfaitement orchestré. Ni à droite ni à gauche (alors qu’Invasion Los Angeles s’installait clairement à la gauche du parti démocrate), Escape from LA est un film anarchiste, presque nihiliste, se permettant le luxe de se dérouler sur les ruines de son commanditaire Universal en l’occurrence , dans un Los Angeles transformé en quartier de haute sécurité après le grand tremblement de terre. Bien ancré dans un discours catholique dont on se demande à la longue si Ferrara y croit vraiment, Nos funérailles semble faire passer les règles de la série B avant l’idée de pardon qui effleure Christopher Walken après le meurtre de son frère. Si pardon il y a, il n’existe, à en croire Ferrara, que dans un autre monde, le monde terrestre devenant alors le théâtre d’une violence aveugle et de la dissolution de la cellule familiale.
On pourra longtemps se demander pourquoi le jury de Deauville a donné son grand prix à The Daytrippers, un road-movie catatonique où même la caméra cherche à savoir ce qu’elle fait là. Le metteur en scène de ce navet s’appelle Greg Mottola, un nom qui mériterait de s’autodétruire après la lecture de cet article. La compétition de Deauville abritait pourtant quelques perles comme Big night de Stanley Tucci où deux immigrés italiens, persuadés d’atteindre le rêve américain avec leur restaurant gastronomique, finiront par mordre la poussière et No way home de Buddy Giovinazzo, où Tim Roth interprète un ancien repris de justice revenant dans sa ville natale. No way home brille par sa modestie et son refus de réfléchir sur les tenants et les aboutissants du système carcéral et sur la réinsertion des prisonniers dans la vie courante. Ni minables ni héroïques, ses personnages essaient simplement de s’en sortir avec pour seule ambition de s’accommoder de la médiocrité ambiante. No way home montre avec beaucoup de justesse la monotonie qui règne dans les petites villes américaines du Midwest et permet aussi de constater le talent éclatant de Tim Roth, dont l’interprétation porte le film de bout en bout.
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