Parmi les belles découvertes du Festival de Toronto, vingt portraits de fumeurs, le nouveau film du Rohmer new-yorkais et Brad Pitt en Guy Roux.
Toronto s’est imposé depuis quelques années comme un des plus gros festivals internationaux, grâce à l’importance de son marché, ainsi qu’à sa sélection pléthorique et non compétitive. Parmi les plus de 300 sélectionnés, on trouvait de tout, souvent acclamé par un public bien élevé : prestige movies en route pour les Oscars, premières à tapis rouge, film d’auteurs internationaux à la recherche d’une niche américaine…
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Cependant les plus beaux films étaient à chercher dans une autre catégorie, une catégorie qu’on ne saurait qualifier qu’en empruntant un vocable à la musique : en mode mineur. Soit des films discrètement géniaux, affranchis des attentes habituelles de l’internationale festivalière avide de coups de poing, faits par des cinéastes plutôt âgés, n’ayant plus rien à prouver mais encore tout à jouer. Des films pour le plaisir, donc.
Le plus impressionnant d’entre tous, on vous en a déjà parlé, c’est Twixt de Francis Ford Coppola, film de farce et attrape juvénile et plein d’humour, en même temps qu’une poignante élégie à la mémoire de son fils décédé, Giancarlo. L’inverse d’un chef d’oeuvre, juste un immense film.
Les portraits bruts de « 20 Cigarettes »
Difficile ensuite d’être plus affranchi que l’américain James Benning (géant du cinéma expérimental, encore peu connu en France jusqu’à sa rétrospective au Jeu de Paume l’an dernier) qui signe avec 20 Cigarettes un film sur un des rares paysages qu’il n’avait pas encore exploré : le visage. Le dispositif est, comme souvent chez lui, élémentaire : vingt de ses amis, appuyés contre un mur, fumant une cigarette, en plan fixe, rapproché ; vingt portraits sans fioriture, évoquant les fameux Screen Tests de Warhol ; et vingt fois la joie inégalable d’éprouver la beauté du monde entier ramassée sur un visage méditatif, comme si toute l’histoire du cinéma se repliait sur ces 99 minutes clope au bec.
Joie également de retrouver, treize ans après The Last Days of Disco, le new-yorkais Whit Stillman aux commandes d’un nouveau film, son quatrième : Damsels in Distress. Ce « Woody Allen gay » – ou « Rohmer new-yorkais », c’est selon –, quelque peu oublié en France, signe un campus movie hilarant aux dialogues ciselés, brossant, avec une tendre ironie, le portrait de la jeunesse dorée east coast.
Un polar léger et une plongée dans les arcanes du baseball
Johnnie To, enfin, complète ce quarté avec Life Without Principles, un film entre polar et comédie, tout en légèreté. Dans une veine proche de Sparrow, le cinéaste hongkongais décrit les effets de la crise sur des personnages plus ou moins candides, attachants pieds nickelés tâchant de se convaincre que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.
Terminons par un film qui, tout en restant très ambitieux formellement, a parfaitement théorisé ce génie du mineur en temps de crise : Le Stratège de Bennett Miller (réalisateur de Capote). Co-écrit par Aaron Sorkin (The Social Network) et Steven Zaillian (American Gangster) le film nous plonge dans les arcanes du baseball, par l’intermédiaire d’un entraîneur qui tenta de s’affranchir des règles dictées par le fric.
Ce Guy Roux local (joué par Brad Pitt, tout de suite plus sexy), aidé d’un assistant geek (Jonah Hill), fonda ainsi son recrutement sur les statistiques et la jugeote, prouvant qu’on pouvait gagner avec une équipe de soi-disant bras-cassés. Sa leçon – small is beautiful – semblait cette année à Toronto avoir débordé le stade pour gagner les salles de cinéma.
Jacky Goldberg
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