Trois films de la compétition internationale montrent des hommes bien décidés à en découdre avec leur corps.
Il y a parfois, dans les festivals, des films plutôt moyens. Et puis les jours passent et on s’aperçoit, avec une fausse naïveté (on le savait bien), qu’ils s’inscrivent dans un choix programmatique des sélectionneurs.
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Peaux huilées
C’est le cas d’un film qui a pour volonté de n’être qu’un portrait, une oeuvre picturale sans explication, sans commentaire : Ta peau si lisse, un documentaire du Québécois Denis Côté (auteur notamment de Carcasses), qui ne s’attache qu’à l’enveloppe extérieure d’un panel de culturistes dont on ne saura jamais grand chose (apparemment, c’est fait exprès, Côté ne voulait s’intéresser qu’à leur peau, ok). C’est intéressant, mais on aimerait en savoir plus, c’est frustrant. Ne serait-ce que sur leurs motivations. Mais non.
Alors on voit des peaux, plus ou moins lisses ou grumeleuses, et des types quand même très taiseux qui passent leurs journées à se muscler ou à avaler des tonnes de gélules et de pâtées peu ragoûtantes et on se dit qu’il faut être possédé par une sacrée motivation pour accepter une vie quotidienne si peu reluisante (jeu de mots sur l’huile dont ils s’oignent avant leurs concours). Et on n’en sait pas plus. Esthétiquement, ce n’est même pas si bien filmé que cela. Mais on tient un thème : la métamorphose, la transformation du corps, notamment de l’homme (on aperçoit bien une femme dans le film, mais de manière subreptice).
Père et loup-garou
Et puis on voit aussi le seul film suisse de la compétition, Goliath, de Dominik Locher. Un film pas terrible et pas très clair dans ses intentions, mais qui décrit l’évolution d’un jeune homme qui va devenir père pour la première fois et qui, lui aussi, s’adonne au culturisme et aux anabolisants à la suite d’une agression dont sa compagne et lui ont été victimes dans le métro. Il a eu peur, il n’a pas su la défendre ni se défendre, il veut assurer comme père, alors il croit que devenir monsieur Muscle va tout arranger (les personnages ne sont pas très finauds).
Sa compagne ne cesse de le faire culpabiliser, de lui reprocher constamment tout ce qu’il est, alors il s’enferre dans l’idée qu’il est temps de changer, de se changer, et il devient violent avec elle. Tout se terminera à la fois bien (il ne fera pas de mal à l’enfant) et très mal (leur couple est foutu). Une résolution qui n’en est pas une mais un film qui montre une fois de plus le malaise de certains hommes dans une société où ne sentiraient pas à l’aise physiquement. Où leur masculinité serait sans cesse remise en cause et les pousserait à l’accentuer. Rassurez-vous, on n’est pas non plus chez Eric Zemmour…
Et puis, plus subtil, plus tenu et réussi, As boas maneiras de Juliana Rojas et Marco Dutra, un film brésilien assez bien mis en scène, qui raconte l’histoire d’un enfant loup-garou, fruit de l’union d’une jeune femme avec un prêtre lui-même lycanthrope (les allusions politiques et religieuses sont nombreuses dans le film). Recueilli par l’employée-maîtressse-amoureuse de sa mère quand celle-ci meurt au moment de l’accouchement (et pour cause, le nourrisson a fait exploser son ventre…), cette dernière, en l’adoptant, ne va cesser d’empêcher cet enfant d’assumer sa véritable identité, de réprimer sa personnalité, dont il n’est nullement responsable.
A la pleine lune, elle l’enferme dans une petite pièce, le temps qu’il pique sa crise, et le lendemain elle le rase. Mais il grandit, il va avoir dix ans. Et bien sûr, un soir de pleine lune, il va se retrouver loin de la maison… La conclusion du film est un peu décevante, mais là encore, il est question de métamorphose. Peut-on se changer ? Peut-on réprimer ses pulsions ? Peut-on être plus fort qu’elles, quand elles sont dangereuses pour la société ? Comment changer ?
(A suivre)
Festival de Locarno, épisode 1 : Milla ouvre le bal avec grâce
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