Crossing guard, de Sean Penn, et Swimming with sharks, de George Huang, sont sortis grands vainqueurs des courses de Deauville. En marge de sa programmation habituelle composée de grosses machines hollywoodiennes, le Festival de Deauville organisait une sélection où se retrouvaient en compétition une série de films indépendants américains. A voir le résultat, très moyen, […]
Crossing guard, de Sean Penn, et Swimming with sharks, de George Huang, sont sortis grands vainqueurs des courses de Deauville.
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En marge de sa programmation habituelle composée de grosses machines hollywoodiennes, le Festival de Deauville organisait une sélection où se retrouvaient en compétition une série de films indépendants américains. A voir le résultat, très moyen, on peut s’interroger sur la signification de « independent cinéma » pour les Américains, notion qui semble surtout se caractériser par un manque d’indépendance d’esprit. Un petit budget ne suffit malheureusement pas à masquer l’absence de talent. Ce que prouvent les films suivants. The Brothers McMullen d’Edwards Burns, une pâle saga familiale située dans un New York de carte postale avec des acteurs parfaits dans leur rôle de poncifs humains (le frère libertin, le frère pécheur et le frère cureton) ; French exit de Daphne Kastner, une comédie pataud qui, à force de s’inscrire mollement dans la tradition des screwball comedies des années 40, pousse le spectateur le plus paresseux à retourner dare-dare à la Cinémathèque, histoire de reprendre une leçon d’intelligence et d’authenticité ; ou encore Red ribbon blues de Charles Winkler sur des Robin des bois séropositifs décidés à voler les stocks d’un médicament hors de prix ralentissant l’évolution du sida. Charles Winkier est plein de bonnes intentions, dommage que sa mise en scène soit aussi sophistiquée que celle d’Hélène et les garçons, sa direction d’acteurs pour le moins sommaire et lacunaire, et son propos noyé dans un océan de mièvrerie volant au même niveau qu’une publicité Hollywood chewing-gum.
Dans cette compétition surnageaient deux films : Ça tourne à Manhattan de Tom DiCillo que je dois sans doute être le seul journaliste à ne pas apprécier à sa juste valeur mais qui a le mérite indéniable de tenir son sujet (le tournage d’une comédie fauchée à New York), et surtout Swimming with sharks de George Huang. A mi-chemin entre Qui a tué Baby Jane ? de Robert Aidrich et Le Grand chantage d’Alexander McKendrick, George Huang livre un film hégélien bâti autour de la relation maître-esclave entre un chef de studio hollywoodien (Kevin Spacey, formidable, dans un rôle de dieu tout-puissant, proche de celui qu’il tenait déjà dans Usual suspects) et son assistant qu’il martyrise et humilie (Frank Whaley, l’homme qui se faisait dessouder au début de Pulp fiction après avoir fait don de son hamburger à Samuel Jackson). George Huang sait de quoi il parle : une fois son diplôme de cinéma obtenu, il a servi de souffre-douleur à un bon paquet de producteurs avec lesquels il a appris à faire des photocopies couleurs, à donner de la nourriture macrobiotique à un chat et à organiser un planning pour caser les nombreuses maîtresses sans quelles se croisent. Fort de cette expérience irremplaçable et d’une carte de crédit American Express Gold, Huang a réalisé un film avec l’argent qu’il n’avait pas. Au vu de la réussite finale, on peut croire qu’il arrivera à faire face aux traites à venir. Swimming with sharks aurait pu se contenter de n’être qu’une aimable pochade sur l’enfer de l’industrie du film, mais George Huang a réussi à sortir ses deux personnages de leur contexte pour mettre en scène une parabole sur le pouvoir d’où ni maîtres ni esclaves ne sortent indemnes.
En marge de cette compétition était présenté, quarante-huit heures après le Festival de Venise, le très attendu Crossing guard de Sean Penn. Mise en d’autres mains, cette histoire de père détruit par la mort de sa fille et décidé à éliminer le chauffard qui l’a tuée involontairement aurait pu se révéler un authentique foirage. Seulement, Sean Penn est tout le contraire d’un cinéaste foireux – un type avec des idées bien arrêtées et une vraie vision de metteur en scène. Ce projet offre d’étranges résonances avec le film qui l’avait révélé au public français, le magnifique A bout portant de James Foley, où il interprétait un fils de truand que son père cherchait à éliminer. Crossing guard lorgne aussi du côté du Cassavetes de Meurtre d’un bookmaker chinois et surtout du Peckinpah de Pat Garrett et Billy le Kid : même structure parallèle avec deux hommes qui se cherchent, se trouvent et finissent par s’aimer. Mais la trajectoire choisie par Penn est différente, les deux personnages n’ont même plus la force de s’affronter, et au duel final se substitue une poignée de main, comme s’il s’agissait d’en finir une bonne fois pour toutes avec une certaine mythologie héroïque pour la remplacer par un mysticisme intérieur où tout se passe désormais dans le cerveau des personnages.
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