Après avoir visionné une cinquantaine de films courts en trois jours et demi, quelques conclusions s’imposent. 1) Le court métrage se vit comme un ghetto, ou plutôt comme un purgatoire : on tente avant tout de démontrer qu’on est techniquement correct dans l’espoir d’accéder au paradis du long métrage. D’où des tas de courts métrages […]
Après avoir visionné une cinquantaine de films courts en trois jours et demi, quelques conclusions s’imposent. 1) Le court métrage se vit comme un ghetto, ou plutôt comme un purgatoire : on tente avant tout de démontrer qu’on est techniquement correct dans l’espoir d’accéder au paradis du long métrage. D’où des tas de courts métrages bodybuildés, au contenu rachitique. 2) Autre syndrome très répandu : maints films denses au départ, qui ont la fâcheuse manie de tourner… court ; ce sont des avortons, des embryons de long métrage. 3) Beaucoup de tics récurrents, justement pointés dans un tract clermontois par un collectif-gag nommé « Puy de Dogme » : cette année, on ne comptait plus les vomissements, nez qui saignent, voix off redondantes, musiques de violoncelle, etc. Conclusion : la forme brève au cinéma est d’un maniement aussi délicat que le haïku en poésie. C’est une question d’équilibre. Il reste à décerner les prix Inrocks du Festival distincts du palmarès officiel.
Prix de la Recherche attribué à Flammes de Patrick Bokanowski, d’une brièveté frustrante (4 minutes), mais où, en élaborant des formes humanoïdes proches de ses œuvres des années 70-80 à l’aide d’images de synthèse, le maître fait des merveilles. On retiendra un plan digne de (Francis) Bacon où une figure cristalline se meut devant un angle de mur noir…
Prix du Documentaire étranger (également prix spécial du Jury officiel) : La Vie dans le brouillard de Bahman Ghobadi (Iran). Sans conteste le film le plus fort du festival. Quelques instants de la vie pénible des enfants orphelins vivant seuls dans des montagnes iraniennes ; l’aîné de la famille, 10-12 ans, contraint de subvenir aux besoins des plus petits, convoie des marchandises sur des mulets, dans le froid, la neige, la boue. Poignant et dépouillé.
Prix de la Fiction étrangère : Venu rendre visite de Jaak Kilmi (Estonie). Equivalent filmique de la musique du groupe finlandais 22-Pistepirkko, cette œuvre curieuse, néo-sixties, qui démarre avec une ludique imagerie sadomaso puis bifurque dans une campagne faulknérienne harassée par le soleil, synthétise parfaitement tout le cinéma de l’absurde des pays de l’Est.
Prix de la Fiction française : Le Fils du pêcheur de Michel Pouzol. Un pique-nique estival au bord d’une rivière, filmé avec une rare économie de moyens, très peu de dialogues, où le réalisateur exprime par petites touches froides le malaise d’un adolescent dont le père est alcoolique. Quelques flash-backs dérangeants viennent émailler cette immersion dans la nature, avec le bruit incessant de la rivière comme trame sonore oppressante.
Une mention, enfin, à La Réserve de Pascale Breton : un conte réaliste fantastique dans la lignée des nouvelles de Cortázar ou Bioy Casares.
P.-S. : J’aurais pu citer Primes de match, excellemment réalisé et interprété par mon cousin Philippe Petit, mais dans la famille on ne fait pas de favoritisme.