Un palmarès atterrant : en faisant systématiquement les plus mauvais choix, le jury a tiré ce Festival vers le bas. De quoi être tout colère.
La maîtresse de cérémonie Isabelle Huppert l’a bien dit : le rêve est fini. Ce palmarès est plus proche du cauchemar. Alors qu’il aurait pu tirer ce 51ème Festival vers le haut en récompensant les trois grands cinéastes qui se dégageaient du lot (Tsai Ming-liang, Hou Hsiao-hsien et Alexeï Guerman), le jury d' »artistes » présidé par Martin Scorsese a fait systématiquement les plus mauvais choix. A une exception près : Elodie Bouchez et Natacha Régnier se sont partagé le prix d’Interprétation féminine pour l’enthousiasmante Vie rêvée des anges d’Erick Zonca. C’est bien. Pour le reste, c’est n’importe quoi.
Le plus ridicule étant le mariage de la carpe et du lapin avec ce partage du prix du Jury entre Claude Miller pour La Classe de neige et Thomas Vinterberg pour Festen : le plus mauvais des quatre films français en compétition et le Danois allumé, copain de Lars von Trier. Par-dessus le marché, Miller faisait la gueule et n’a pas pu s’empêcher de s’en prendre à la critique française. Et que dire de ce prix de la Mise en scène attribué à John Boorman pour Le Général ? Comme si Boorman avait encore besoin de ce genre de choses. A son niveau, c’est la Palme ou rien. Plus digne que les autres lauréats, il a eu la présence d’esprit de citer son acteur, le grand Brendan Gleeson, un des fantômes en colère qui planent sur le palmarès. Mais les jurés ont préféré récompenser Peter Mullan dans le énième téléfilm sentencieux de Ken Loach, ce qui revient à choisir le jeu naturaliste plutôt que la folie épique. Le prix du Scénario à Hal Hartley, c’est carrément un gag, Henry Fool étant particulièrement mal écrit, justement. Autre gag, le prix de la Meilleure contribution artistique (mais qu’est-ce à dire, au juste ?) à Todd Haynes, réalisateur du glam-rock Velvet goldmine.
On était tellement effondré à l’annonce de cette sentence, surtout en se souvenant de l’année dernière, où tous les grands films étaient récompensés lors d’un vrai palmarès, qu’on était presque content de voir Roberto Benigni faire son numéro de bouffon il a embrassé trois fois Huppert, y’a de l’abus. Par son abattage, il n’était pas loin de nous faire oublier que La Vie est belle est un film aussi désagréable qu’irresponsable dans sa deuxième partie. Enfin, cerise avariée sur ce gâteau plâtreux, Angelopoulos est venu chercher en maugréant sa chère Palme d’or pour L’Eternité et un jour, n’ayant même pas l’élégance d’oublier de rappeler qu’on l’en avait injustement « privé » il y a trois ans notamment. En comparaison, la générosité de Kiarostami et Chahine l’an dernier faisait mal pour Angelopoulos. Mais les poètes officiels ne sont jamais très sympathiques.
Scorsese, qu’on dit fasciné par les films de HHH et Tsai Ming-liang, deux géants ignorés par le jury, avait l’air embarrassé de couvrir cette triste farce de son immense prestige. Tout ça était bien nul. Et assez injuste pour un Festival qui a fait, une fois de plus, le pari des auteurs. Même si certains d’entre eux se sont révélés de fausses valeurs et que d’autres n’étaient pas très en forme : ce sont eux que le jury a distingués. Mauvaise pioche.
Heureusement, si les mauvais prix s’oublient vite, les grands films restent longtemps. Comme Oliveira, Imamura ou Bergman, Hou Hsiao-hsien, Tsai Ming-liang ou Guerman ne seront jamais réductibles à cette misérable distribution des prix. Et Samira Makhmalbaf ou Erick Zonka se consoleront vite d’avoir été privés d’une Caméra d’or qui leur revenait de droit. Quant à Moretti ou Lars von Trier, ils s’en remettront vite. Comme nous.
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