Andreï Zviaguintsev a un problème de style. Il en a trop… Certes, il se soigne et Faute d’amour est un de ses meilleurs films, parce que, comme pour Elena, il ancre son histoire dans la Russie contemporaine. S’il a tendance à faire des boucles un peu frimeuses avec ses récits et à composer ses plans […]
Des parents odieux perdent leur enfant. Prix du jury à Cannes, une vision clinique et glaçante de la nouvelle petite bourgeoisie russe.
Andreï Zviaguintsev a un problème de style. Il en a trop… Certes, il se soigne et Faute d’amour est un de ses meilleurs films, parce que, comme pour Elena, il ancre son histoire dans la Russie contemporaine. S’il a tendance à faire des boucles un peu frimeuses avec ses récits et à composer ses plans au cordeau, et s’il a poussé certaines des prouesses de Tarkovski, dont il est un continuateur, ce formalisme lui permet de transcender les conventions et clichés naturalistes. Concrètement, ce film dépasse son histoire grâce à une construction qui relativise le pathos de la situation et les constats sociétaux sur l’individualisme mesquin de la petite bourgeoisie russe.
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Le pathos est exprimé par le titre : la souffrance que les parents, carriéristes en instance de divorce, infligent à leur fils unique de 12 ans, en le négligeant ou en le maltraitant. Le constat sociétal constitue le noyau réaliste et banal du film : le père et la mère évoluant dans un cadre quotidien avec leurs nouveaux compagnons.
Le film devient une terre vierge, un espace des possibles sans limites
La troisième partie est peut-être la plus intéressante, presque une synthèse de l’œuvre de Zviaguintsev. L’enfant ayant disparu (suicide, fugue, enlèvement ?), une recherche s’engage qui embarque le film sur une voie moins fréquentée, voire métaphysique, où l’on retrouve des accents du premier film du cinéaste (Le Retour), mais aussi une d’errance introspective que le cinéma américain et européen, ou soviétique des années 1970, affectionnait : le voyage reflète une recherche intérieure. De même, les parents presque réconciliés écument les environs de leur domicile avec des bénévoles très organisés. Cela les extirpe de leur routine et de leur individualisme. Le film devient une terre vierge, un espace des possibles sans limites.
Le petit garçon, élément ponctuel mais émouvant, est moins un personnage qu’un révélateur ou un catalyseur. Il entraîne le film vers une relative abstraction en évitant le lourd symbolisme des films précédents (Léviathan ou Le Bannissement). L’atmosphère prime enfin sur l’allégorie.
Faute d’amour d’Andreï Zviaguintsev (Ru., 2017, 2 h 08)
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