Michaël Youn s’essaie à la dénonciation du cirque médiatique et du star-system. Bien vu… mais la leçon d’honnêteté ne tient pas la route.
Lors d’un lynchage critique soigneusement préparé sur le plateau de Laurent Ruquier, Michaël Youn ripostait aux tirs groupés en dénonçant la fourberie du cirque médiatique.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
« Le problème, c’est pas la critique, c’est d’en faire un spectacle. Vous faites de la télévision, vous faites du spectacle, pas de la vraie critique. »
Et de s’offusquer des attaques subies en reprochant in fine à ses pourfendeurs de bafouer le manège promotionnel de rigueur au profit d’une « joute verbale qui vous sert à vous faire mousser ».
Devrait-on chercher une trace de ces rancoeurs télévisuelles dans le cinéma, si l’on ose dire, de Michaël Youn ? Peut-être bien : cette première réalisation du trublion est traversée par une tentative de sous-texte à la charge des affreux médias et de leurs effets pervers sur ce bon vieux star-system.
Youn imite le phrasé « ouèch » comme un quiqua pas très au courant
Notre héros éponyme est donc cette caricature de rappeur bling-bling, révélée surtout grâce aux clips de « Fous ta cagoule » et « J’aime trop ton boule ». Une sorte de cousin français un peu honteux du Ali G de Sacha Baron Cohen, un antihéros d’autant moins convaincant qu’il force paresseusement le trait gangsta et l’accent des cités sans trouver le détail mimétique qui tue.
Son interprète imite le phrasé « ouèche » à la manière d’un quinqua pas très au courant, qui s’inspirerait lui-même de vieux sketches des Inconnus (lesquels se montraient plus appliqués dans leurs singeries rappeuses malgré les clichés de l’époque).
Mais passons sur les performances douteuses et les redondances comiques gravitant autour de saucisses phalliques et de trainées de vomi. On entrevoit déjà assez bien le registre. En arrière-fond, la vision médiatique est plus étonnante.
Le héros du film, Fatal, voit sa carrière ruinée lorsqu’un rival électro signe chez sa maison de disque et rafle tous les honneurs : Chris Prolls, bellâtre poseur, affichant une parodie de militantisme écolo (campé par le Québécois Stéphane Rousseau).
Sur les conseils de son directeur artistique, Fatal, le nanti insouciant, décide à son tour d’engager sa musique auprès des enfants cancéreux. Et voilà les rivaux embarqués dans une course à l’image qui les mènera à un clash retransmis en direct par une vilaine télé, cynique, perverse, qui se frotte les mains de la haine entre les deux bougres. Alors que dans le fond, ils ne font l’un comme l’autre que du spectacle et ont tout pour être amis.
Le mordant réaliste finit par s’évanouir
Cette idée de grotesque guéguerre entre des purs produits de la varièt’ tapageuse semblait a priori plutôt exploitable, bien qu’un peu simplette. On aurait bien vu une exagération plus navrante encore des engagements respectifs des deux clowns, une comédie humaine déboussolée qui tournerait tous les acteurs du système en ridicule (télé, industrie du disque, publicitaires, mais aussi les artistes eux-mêmes). Une pantalonnade générale et intransigeante débouchant sur un constat grinçant, gênant pour tout le monde, façon South Park.
Youn et ses coauteurs piochent d’ailleurs sans vergogne dans les trouvailles du dessin animé, en les appauvrissant considérablement : Fatal devra son salut final à un pouvoir surnaturel scatologique directement puisé dans l’un des épisodes de la série de Matt Stone et Trey Parker. Très décevant pour ses fidèles.
Mais le mordant réaliste, tantôt probant, s’évanouit lorsque Fatal retourne dans sa Savoie natale pour s’embourber dans la terre et le potache. Ne restera donc qu’une sorte de tableau moralisateur du circuit médiatique, dans lequel on se hasardera à voir le piteux rappeur comme un alter ego de Michaël Youn : un amuseur et un artiste plein de bonne volonté que les jaloux et les saboteurs de promo cherchent à traîner dans la boue, pour nourrir leur propre show.
Un peu court : difficile de donner des leçons d’honnêteté aux cyniques lorsqu’on justifie soi-même la médiocrité par la « simple » ambition de faire du spectacle. Oui, tout le monde se donne en spectacle ; alors pourquoi ne pas assumer le sien jusqu’au bout au lieu de s’attendre à être pris au sérieux ? Ou bien serait-ce que les pitreries des clowns populistes cachent parfois, elles aussi, comme les méchants médias, un certain cynisme ?
{"type":"Banniere-Basse"}