Pas qu’il soit con, le Jean-Louis (Frédéric Gélard, idoine en ingénu de service), non, juste un peu naïf à force de vivre coupé du monde moderne, au fin fond du trou-du-cul de la France (magnifique, le trou-du-cul, cela dit). Après s’être fait dépuceler par une fille aux cheveux jaunes’ (Karin Viard en délurée de passage […]
Pas qu’il soit con, le Jean-Louis (Frédéric Gélard, idoine en ingénu de service), non, juste un peu naïf à force de vivre coupé du monde moderne, au fin fond du trou-du-cul de la France (magnifique, le trou-du-cul, cela dit). Après s’être fait dépuceler par une fille aux cheveux jaunes’ (Karin Viard en délurée de passage dans la région) et à la suite de la mort de son pépé, Jean-Louis décide de monter à Paris pour retrouver la créature qui l’a si gentiment déniaisé. Sitôt débarqué dans la capitale, notre candide de la cambrousse se fait engager dans un fast-food dirigé par un minable chefaillon borné (Jean-François Stévenin, sublime, comme toujours)… A partir de là, on devine les contours balisés d’une fable sociale sur le thème de l’innocence immaculée confrontée aux multiples pièges de la société urbaine moderne. Jacques Tati ou Frank Capra ont imaginé des chefs-d’œuvre autour de ce canevas et on pourrait même remonter vers des sources littéraires qui nous mèneraient du côté de chez Dostoïevski ou Voltaire. Certains penseront aussi au récent Forrest Gump, sauf que ce premier long métrage de Dante Desarthe s’avère beaucoup plus modeste et sympathique parce qu’il ne vise pas à imposer une morale édifiante et cherche à éviter les manichéismes confortables en fouillant les ambiguïtés de ses personnages. C’est ainsi qu’en gravissant les échelons de la société de fast-food, ce grand nigaud de Jean-Louis dévoilera une part plus sombre de sa personnalité, genre grand prix de l’arrivisme et de la saloperie discrète. Et pan dans le cliché de l’angélisme pur sucre ? les innocents ont aussi parfois les mains sales. Dans le même ordre d’idée pas toute faite, le gérant veule et étriqué révélera aussi sa part d’humanité, une fois grattée sa couche de mesquinerie. L’intérêt de Fast réside dans ce souci attentif des personnages lié à une réussite dans la direction d’acteurs et le casting (tout un tas d’excellents seconds rôles parmi lesquels Nathalie Schmidt, Zinedine Soualem, François Chattot…), sans oublier un sens réel de la comédie et une prise en compte du contexte social de l’époque (chômage, exclusions diverses en toile de fond). Le film souffre quand même de quelques coups de mou dans la narration (ce qui est toujours gênant dans le cadre d’une comédie) et d’un certain éparpillement (défaut classique des premiers films avoir les yeux plus grands que le ventre).
On peut aussi regretter qu’un certain potentiel documentaire ne soit pas plus amplement développé : pour une fois qu’une fiction se passe dans un fast-food, on aurait bien aimé en savoir plus sur la cuisson de la viande hachée, l’étalement de la mayonnaise, la liaison commande-préparation-service, la coordination de tous ces gestes aux heures de pointe, la provenance des produits, etc. Quoi qu’il en soit, malgré ses manques, sa teneur gentillette qui frise parfois l’anodin, Fast est une tentative louable de renouvellement de la comédie, un film sur le fil du rasoir qui recèle quelques jolies petites victoires.
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