Emergence de Singapour, absence du Japon, omniprésence de Hong-Kong : un état des lieux de la production extrême-orientale grâce au récent festival d’Udine. Far East FilmFestival La grande affaire à Udine, cette semaine-là, c’était avant tout la partie du dimanche au cours de laquelle la brillante Udinese recevait un Milan AC en pleine résurrection. Résultat […]
Emergence de Singapour, absence du Japon, omniprésence de Hong-Kong : un état des lieux de la production extrême-orientale grâce au récent festival d’Udine.
Far East FilmFestival La grande affaire à Udine, cette semaine-là, c’était avant tout la partie du dimanche au cours de laquelle la brillante Udinese recevait un Milan AC en pleine résurrection. Résultat : 6 à 1 pour l’équipe de Berlusconi. Il pleuvait sur la jolie ville du Frioul, et la proximité des bases de l’Otan n’était pas de nature à réjouir les esprits.
Autant s’intéresser au cinéma asiatique présenté par Derek Elley, de Variety, et Lorenzo Codelli. Le premier mérite de cette ample sélection de 52 films, piochés dans toutes les cinématographies d’Asie du Sud-Est à la notable exception du Japon et avec la présence d’un seul film taïwanais, marque de la crise que traverse actuellement l’île , était de dresser une cartographie complète de l’état de la production dans ces contrées éloignées. On a en effet tendance à ne découvrir dans nos festivals qu’une partie minime et souvent peu représentative des cinémas d’Extrême-Orient. Ici, on parle moins de durée des plans ou de cadre que de production, de box-office et de distribution. Qu’est-ce que le cinéma populaire en Asie du Sud-Est, comment se construit-il, où sont les structures ?
Les réponses à ces questions, données par les producteurs et cinéastes invités, ne sont pas forcément encourageantes mais laissent entrevoir un certain nombre de préoccupations communes dans cette mosaïque complexe et fragmentée où tous les genres s’affrontent et s’entremêlent.
Malgré une censure encore très présente, Singapour, incroyable mosaïque de langues et de cultures, se réveille et commence à produire, grâce à l’argent de la télé, des films qui marchent. Money no enough, de Tay Teck-Lock, médiocre comédie à l’esthétique très télévisuelle racontant les déboires de trois braves gars désargentés aux prises avec la frénésie de consommation propre au petit dragon, a ainsi, pour la première fois dans l’histoire de Singapour, dépassé au box-office les blockbusters hollywoodiens. Autre pierre de touche de l’explosion de Singapour, Forever fever du sympathique Glen Goei, bien scénarisé (une constante) et bien interprété (c’est plus rare), qui vient d’être acheté par Miramax. Forever fever raconte la fascination d’un petit employé pour le John Travolta de La Fièvre du samedi soir. Gros film sans prétention, c’est peut-être le premier exportable dans une production qui semble avant tout se développer pour le public local. A quelques milliers de kilomètres de là, en Chine, quelques structures non gouvernementales naissent et produisent des comédies de moeurs contemporaines. Incroyable révélation : tous les Chinois de Chine n’ont pas des nattes, des concubines et des jolies maisons avec des lanternes partout ; ils portent des Nike et des Levis et ne sont même plus gardes rouges ou paysans. Peter Loehr dirige la Imar Film Co., productrice de Spicy love soup de Zhang Yang, agréable divertissement entrecroisant plusieurs petites histoires sentimentales pour donner à voir la vie quotidienne de la classe moyenne à Pékin. Loehr nous décrit avec délectation (le film finalement distribué a bien marché) les complexités administratives insurmontables auxquelles il s’est heurté lorsqu’il a monté sa boîte et les rouages surprenants de la distribution. Autre film chinois notable présenté à Udine, Tutor de la jeune Li Hong, l’un des seuls où l’on sentait vraiment un regard de cinéaste, un travail sur le cadre. Une crainte, donc : l’évolution à Singapour comme en Chine semble aller dans des directions très américanisées, où le scénario fonctionnel et l’esthétique télé laissent peu de place à la recherche cinématographique ; peu de mise en scène mais un allant certain propre à créer un nouvel académisme asiatique qui n’est pas pour nous enchanter.
Deux mots sur Hong-Kong, enfin, omniprésent à Udine mais suffisamment connu en Occident pour qu’on s’y attarde moins : comme d’habitude, le meilleur y côtoie le pire. The Longest summer de Fruit Chan, légèrement remonté après les critiques de Berlin, est une belle fresque racontant la rétrocession de HK à la Chine à travers l’histoire de quelques anciens membres de la police britannique. On y reviendra sans doute. Pour le reste, le tout-venant de la production reste marqué par une esthétique post-Wong Kar-wai et des arsenaux impressionnants.