fantasmes

>Un film magnifique, qui mêle formalisme outrancier et saisie documentaire. Le récit d’une passion pétrie d’amour vrai.
Dixième film de Jang Sun-Woo, Fantasmes ne saurait être réduit à la forte charge érotico-exotique qui s’en dégage. Sorte d’Empire des sens postmoderne, le film conjugue simplicité de l’histoire racontée (un couple clandestin, un sculpteur quadragénaire et une « lolycéenne », s’adonnent à diverses galipettes) et extrême sophistication du filmage et de la construction. Adapté d’un roman de Jang Jung-Il qui valut à son auteur deux mois de prison pour outrage aux mœurs, Fantasmes délaisse toute tentation pornographique pour laisser s’épanouir le récit d’une obsession, d’un amour impossible (il est marié, elle est trop jeune) qui se consume à mesure qu’il se consomme. Si Jang Sun-Woo en fait parfois un peu trop dans la mise en abyme (interviews-vérité des deux comédiens, empreinte vidéo du tournage, voix off multiples), il trouve toujours la distance juste pour montrer les gestes et les plus petits détails du bonheur amoureux sans tomber dans le graveleux. Sans doute dans le but pragmatique d’éviter la censure totale et la prison, il se sert du corps de ses acteurs pour masquer leurs organes sexuels et se retrouve ainsi à filmer les multiples postures d’un chant d’amour plutôt que des coïts frénétiques. Le film tire sa force si singulière de son dispositif ultraformaliste comme de la simple saisie de ce qui (se) passe entre les deux comédiens, très visiblement en train de tomber amoureux l’un de l’autre, ce qui est autrement plus intéressant que de les faire baiser « pour de vrai » sous l’œil de la caméra.

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