Deux films sur Arte prouvent que, derrière une image de chroniqueur social, on n’a pas fini de redécouvrir Ken Loach. Depuis qu’il sort un film par an, on croit tout savoir de Ken Loach : cinéaste anglais par excellence, chroniqueur subtil des crises sociales et économiques qui ont frappé le pays, défenseur de la classe […]
Deux films sur Arte prouvent que, derrière une image de chroniqueur social, on n’a pas fini de redécouvrir Ken Loach.
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Depuis qu’il sort un film par an, on croit tout savoir de Ken Loach : cinéaste anglais par excellence, chroniqueur subtil des crises sociales et économiques qui ont frappé le pays, défenseur de la classe ouvrière face au libéralisme thatchérien… Aucune de ces images n’est fausse, bien sûr, mais elles constituent désormais des catégories d’analyse dont beaucoup se contentent. L’œuvre de Loach est probablement plus complexe, et la diffusion par Arte de Family life et de Looks and smiles vient à point pour nous le rappeler.
Tourné en 1971, un an après Kes, Family life est l’un des films les plus impressionnants de sa filmographie. Ecrit par Loach et son scénariste David Mercer à partir d’une expérience déjà menée à la télé en 1967, Family life décrit le conflit qui oppose une jeune fille, Janice, à ses parents, petits-bourgeois normaux bloqués dans des réflexes conservateurs étouffants. Fragilisée par un avortement que sa mère l’a forcée à subir, Janice est conduite par ses parents en hôpital psychiatrique. Elle y mènera une thérapie de groupe efficace sous la direction d’un médecin attentif à la parole du malade, avant d’être récupérée par le système médical et déshumanisée par les médicaments et les électrochocs. Le film possède avant tout une force de dénonciation extrême : contemporain des recherches de Deleuze et Guattari (L’Anti-œdipe sortira quelques mois après le film) et assez proche de l’antipsychiatrie, Family life montre du doigt la psychiatrie institutionnelle, répressive et bornée, comme incapable de guérir car incapable de comprendre les maux. Mais le film ne se contente pas d’une dénonciation glacée. Ce qui est très beau, c’est la chaleur et la tendresse avec lesquelles Loach traite son sujet, la distance parfaite entre la caméra et les personnages. Filmé de manière quasi documentaire, en alternant de grandes scènes d’entretiens où les personnages sont assis dans les angles des plans et des scènes de famille plus chorales, admirablement interprété par des acteurs auxquels Loach laissait une petite marge d’improvisation, Family life est un grand film sur le contrôle social et sur l’enfermement.
Dix ans plus tard, avec Looks and smiles, Loach réalisait un film beaucoup plus simple, en apparence au moins, qui évoquait les problèmes quotidiens d’un jeune chômeur de Sheffield à la recherche d’un travail. Loach affirmait avoir voulu montrer le « désespoir silencieux » des jeunes, leur résignation et la difficulté à mûrir. Looks and smiles, film brut et réaliste, nous décrit tous les endroits de la vie à Sheffield, de l’usine au pub, des maisons d’ouvriers au stade, des discothèques aux concerts de rock, et dresse un constat dramatique de la situation sociale du pays sans jamais se limiter à une simple propagande contre le chômage. Ce pessimisme calme restera présent dans bien des films postérieurs de Loach, parfois accompagné d’un regard plus sarcastique.
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