Plaisante dérive nocturne dans Beyrouth, entre violence et hédonisme.
L’équivalent libanais d’After Hours de Scorsese : Toufic, un jeune Beyrouthin, invité à une soirée chez des amis, va passer toute une nuit à tomber de Charybde en Scylla, embringué dans un écheveau de complications et d’errances. A priori, le titre n’a rien d’excitant. Qui a envie de voir un film nommé “Couscous”, “Paella” ou “Hamburger” (ou “Steak” !) ? Mais il s’avère que même cette métaphore du falafel, beignet de fèves et de pois chiches – à partir duquel le tenancier d’une échoppe élabore toute une philosophie de la vie – a du charme. Le film n’est pas très puissant, pourtant il dégage un charme prenant et permanent. A cela plusieurs raisons : son caractère exclusivement nocturne ; son côté marabout-de-ficelle, aussi imprévisible que linéaire (et lunaire), mais aussi sa tension permanente. Atmosphère spécifiquement libanaise qui fait transparaître en filigrane, à travers les altercations récurrentes des uns et des autres, l’aspect potentiellement conflictuel des mentalités et des situations dans cette région instable. On aperçoit d’ailleurs à un moment, à l’arrière-plan d’une séquence, l’enlèvement d’un automobiliste (joué semble-t-il par le cinéaste Ghassan Salhab), montré très rapidement, de façon presque banale. “Je voulais absolument faire sentir, dit le réalisateur, cette dichotomie entre une société qui aspire à une certaine joie de vivre et un climat où, sous une apparente douceur, tout peut exploser.” Sur ce plan, la mission est parfaitement accomplie. Mais cette dichotomie n’est pas systématique. Le film offre une myriade de notations tragi-comiques, de personnages secondaires glanés au cours de la longue dérive nocturne de Toufic. Le reproche qu’on pourrait cependant faire au cinéaste est de coller de trop près à l’immaturité de son héros. Voir son flirt inabouti avec une jeune fille ; ou sa vengeance (avec arme à feu) fomentée contre un personnage odieux mais qui tourne court. Ici, tout reste un peu à un stade embryonnaire. A la limite, le seul moment fort est celui où un ami ivre mort sème la pagaille dans la fête en s’en prenant à une jeune fille. Mais, semble-t-il, l’intensité des sentiments et le paroxysme des confrontations intéressent moins le cinéaste que l’ambiance générale, le parcours poétique de Toufic à travers Beyrouth la nuit, rendu encore plus irréel avec une séquence onirique où le cuisinier-philosophe voit à la télévision un falafel géant percuter la Terre… Bref, c’est un petit film, mais il convainc en portant un regard magique sur la réalité.
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