Philippe Harel reste un éternel demi-auteur, un peut-mieux-faire, un encore-un-effort-pour-être-moderne. Il ne se contente pas d’adapter le roman d’un écrivain à la mode, ce qui en soi n’est ni original ni courageux, mais il court derrière certains cinéastes plus jusqu’au-boutistes que lui comme Gaspar Noé. En dehors de la séquence du cinéma porno de Rouen, […]
Philippe Harel reste un éternel demi-auteur, un peut-mieux-faire, un encore-un-effort-pour-être-moderne. Il ne se contente pas d’adapter le roman d’un écrivain à la mode, ce qui en soi n’est ni original ni courageux, mais il court derrière certains cinéastes plus jusqu’au-boutistes que lui comme Gaspar Noé. En dehors de la séquence du cinéma porno de Rouen, explicitement calquée sur Seul contre tous, le film repose également sur une lancinante logorrhée en voix off exprimant les ratiocinations du héros-cinéaste-scénariste-romancier. Hélas, les sentences dépressives d’un fade employé de bureau sont moins puissantes cinématographiquement que les ruminations d’un boucher chômeur aux pulsions meurtrières.
Autre initiative incongrue : Harel, qui s’est attribué le rôle principal, s’applique à afficher un mimétisme outré avec l’auteur du livre, Michel Houellebecq. Même coiffure, mêmes postures affectées, même dodelinement de la tête, même façon de tenir sa cigarette entre majeur et annulaire (tout jaunis). Mais une composition aussi apprêtéene fait qu’accentuer l’insignifiance et la pusillanimité du héros. Foin de demi-mesures, pourquoi ne pas avoir carrément demandé à Houellebecq d’interpréter le personnage ? Par contraste, José Garcia, qui incarne le collègue d’Harel, hâbleur et infantile, surprend dans son contre-emploi de velléitaire de l’amour et en traduit fort bien le mal-être.
Grosso modo, la tentative reste honorable, même si l’on en vient à se dire que les images n’étaient pas forcément indispensables. Réflexion induite par Harel lui-même qui, loin d’être un rustre, a su conserver texto certains des meilleurs passages du roman et laisser parler la musique houellebecquienne, mélange impec de prosaïsme et de philosophie, de science et d’inconscience. C’est plutôt lorsqu’il y a des entorses au livre que le bât blesse. Notamment, cette invention d’une fin vaguement optimiste où « Notre Héros » s’initie aux mystères de la valse viennoise avec une jeune femme souriante. Cela nous fait louper la conclusion cosmique du bouquin : l’échec de la « fusion sublime » du narrateur dans la forêt ardéchoise…