Un film modeste et juste sur la sexualité adolescente.
A Cannes, ce premier film de Lola Doillon n’a pas eu l’heur de plaire aux rédacteurs des Inrocks qui lui ont collé deux zéros dans notre “guerre des étoiles”. Notes bien injustes aux yeux de votre serviteur qui a bien rigolé à cette modeste comédie lycéenne, peut-être gagné par la contagion d’une salle majoritairement conquise. Et toi, t’es sur qui ? (pas fameux, ce titre) n’a peut-être pas la finesse ou la profondeur d’observation de la jeunesse des films du père de la cinéaste, ni la stylisation littéraire d’un Rohmer, ni la puissance de mystère poétique d’un Gus Van Sant – mais Lola Doillon ne prétend sans doute pas atteindre ces hauteurs. Sa facture a certes l’aspect carré, clair, efficace d’une sitcom, et on pourrait se perdre en vagabondages skoreckiens pour savoir si ce film relève du cinéma, du “cinéma”, du post-cinéma ou de la télévision, mais on s’en tiendra pour le moment à des considérations plus simples et plus immédiates : Et toi, t’es sur qui ? est bien écrit, bien dialogué, bien joué par de jeunes actrices et acteurs tout neufs et talentueux, vivement mené, on ne s’y ennuie pas une seconde et il semble porter un regard assez juste sur la jeunesse des classes moyennes contemporaines – personnellement, j’ai un peu reconnu mes filles dans ce tableau. Au moment crucial du passage de la troisième à la seconde, Elodie et Julie décident qu’il est temps de “coucher” et qu’il faut passer à l’acte avant les grandes vacances. La question du choix de l’élu, les relations cruelles et comiques entre ados, leurs codes sociaux et langagiers, ainsi qu’un stage professionnel de fin d’année dans une boucherie et une poissonnerie donnent lieu aux principales saillies comiques du film. Mais les sentiments s’incrustent dans la mécanique de ce jeu social entre ados pour y apporter un petit supplément d’âme et de profondeur, un contrepoint mélancolique. Au passage, on appréciera la façon dont le film intègre avec naturel les nouveaux modes de communication entre ados (Orange et MSN règnent) ou l’idée de normaliser complètement la différence ethnique (un jeune Noir bien intégré qui ne parle pas caillera, on en rencontre dans la vie, mais pas si souvent dans le cinéma français). Et toi, t’es sur qui ? traite finalement du même sujet que Les Pieuvres de Céline Sciamma (la pression sociale sur la sexualité adolescente), autre premier film féminin et français découvert à Un certain regard, avec moins de tranchant cinématographique mais plus de légèreté et d’humour. C’est donc, au choix, du Doillon light ou du M6 haut de gamme, un divertissement facile et agréable, réussi dans la modestie de son projet.
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