La famille d’une jeune fille rêveuse se délite, alors qu’elle-même est traversée par les courants contraires de l’adolescence…
Quand Romain (Grégoire Montana-Haroche) part en Espagne sur un coup de tête un peu lâche (il fuit les disputes entre ses parents), il tente de rassurer sa petite sœur Solange (Jade Springer), 13 ans : “Madrid, ça va, ce n’est pas la fin du monde !” Et là, on se dit qu’il aurait dû dire ce n’est pas le “bout” du monde, mais qu’il dit la “fin” parce que, évidemment, il pense à autre chose (au début de la fin de l’amour entre ses parents).
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Les gens pensent souvent à autre chose. Solange elle-même, pourtant bonne élève, est souvent distraite. Elle pense à quoi ? Sans doute au beau bad boy pianiste du collège, à courir les rues avec sa copine Lili, à l’amour qu’elle porte à sa famille aimante, à acheter le pain, à mettre la table, etc. Pour que tout soit harmonie, beauté.
Film de passage
Elle n’y pense pas, mais elle s’occupe beaucoup de ses parents, Solange. De sa mère comédienne (Léa Drucker) qu’elle habille, de son père rêveur (Philippe Katerine), marchand de guitares d’origine italienne. Et comme Antoine Doinel dans Les Quatre Cents Coups, elle n’aime pas voir sa mère parler à un autre homme que son père, ou son père à une autre femme… Dans ces cas-là, elle détourne le regard et s’enfuit.
Dans ce film de passage – de passage d’un état de la vie indécis qu’on appelle préadolescence à l’âge adulte, de passage d’une famille unie à éclatée –, tout se déroule à Nantes, la ville des passages (notamment le célèbre passage Pommeraye, que l’on voit dans le film) que filma Demy et que célébrait André Breton.
Solange aime sa vie et voudrait que tout continue ainsi jusqu’à la fin du monde. Elle ne sait pas encore que pour que tout “reste pareil, il faut que tout change”, comme disait l’autre. Mais comment l’accepter quand on n’a que 13 ans ? Dans L’Effrontée de Claude Miller, Charlotte Gainsbourg disait à Bernadette Lafont : “Tu ne trouves pas que la vie est un peu rude ?” C’est ce que Solange va découvrir elle aussi. Et exprimer à sa façon.
Ellipse woolfienne
C’est un mélo sur le passage, et la séparation en est un. Quand Solange découvre que celle entre ses parents est inévitable et qu’on lui a menti, elle va vouloir s’enfuir, radicalement. Et passe violemment de l’autre côté, dans une belle ellipse très woolfienne, du côté de la vie d’adulte (elle se maquille désormais). Et nous offre au final le plus beau regard caméra depuis celui du jeune Jean-Pierre Léaud dans le film de Truffaut. La vie continue. Et on a beaucoup pleuré parfois. Mais ce n’est pas la fin du monde.
Petite Solange d’Axelle Ropert, avec Jade Springer, Philippe Katerine, Léa Drucker (Fr, 2021, 1h26). En salle le 2 février.
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