Cette année, le jury a tenu à se faire remarquer en délibérant pendant plus de sept heures. Pour accoucher à l’aube d’un palmarès guère renversant (Ça c’est vraiment toi de Claire Simon a reçu le prix du meilleur film de fiction et documentaire), mais qui aura au moins permis à Jean-Pierre Chevènement de faire apprécier […]
Cette année, le jury a tenu à se faire remarquer en délibérant pendant plus de sept heures. Pour accoucher à l’aube d’un palmarès guère renversant (Ça c’est vraiment toi de Claire Simon a reçu le prix du meilleur film de fiction et documentaire), mais qui aura au moins permis à Jean-Pierre Chevènement de faire apprécier son sens de la repartie : « Et un grand bravo à Claire Simon qui a démontré par le documentaire que le Parlement européen de Strasbourg n’est qu’une fiction ! » Sacré Jean-Pierre, très en forme. Palmarès piteux donc, d’autant moins compréhensible que la sélection était de bonne tenue (ne pas y distinguer le magnifique Un jour de plus de Babak Payami relevait de l’exploit…), à l’exception du prix du meilleur court métrage décerné au remarquable Une rue dans sa longueur de Thomas Salvador, où comment un très jeune cinéaste n’a besoin que de douze minutes pour affirmer un univers et un regard, un beau sens du cadre et une démarche singulière. Autre réussite côté court, Les Filles du 12 de Pascale Breton, dont la fine mélancolie demyesque touche sans insister, et capture des moments de vérité en les enchantant délicatement.
Baptiste de Marc Chevrie confirme le grand talent du cinéaste (autrefois critique, le meilleur de sa génération) pour mettre en scène une parole dans des lieux, jusqu’à ce qu’elle paraisse en émaner. Simple et maîtrisé, Baptiste est une merveille chuchotée. Cerise sur le gâteau côté fiction, Du soleil pour les gueux d’Alain Guiraudie peut se consoler d’avoir été oublié par les somnambules du jury tant il ne ressemble à rien, western métaphysique sur le causse, conte philosophique d’essence rohmérienne transplanté dans une bande dessinée de Bourgeon, film d’aventures avec animaux invisibles et merveilleux, bergers sentencieux, chasseur de primes muni de portables et héroïne agaçante et légère. C’est très beau et très fou, et il n’y a qu’à Belfort qu’on peut découvrir des objets d’une telle étrangeté. Pourvu que ça dure.