Belfort en forme
Dhorasoo, Don Quichotte et Louis Skorecki
mettent le feu à la 21e édition des Entrevues.
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Comme toujours, il y avait beaucoup de
bonnes choses à voir et à entendre – et
même des films – cette année aux
Entrevues de Belfort, le festival à la
fois le plus pointu et le plus chaleureux
qui soit (on discute beaucoup entre festivaliers
à Belfort, à longueur de journée et de bières,
dans une sorte de forum cinéphilique ininterrompu).
Ici un débat passionnant animé par
Hélène Frappat avec Marco Bellocchio – dont
l’oeuvre faisait l’objet d’une rétrospective -, là
la découverte du très attendu Substitute de
Fred Poulet et Vikash Dhorasoo, projeté
pour la première fois à Belfort (le film sortira
en salle le 14 février), et Kinetta, ovni grec
dont nous avions déjà dit le plus grand bien
lors de la dernière Berlinale.
Côté documentaire, 20 minutes de bonheur,
le film d’Oren Nataf et Sophie Friedmann
sur les coulisses de Y’a que la vérité qui compte,
l’ex-émission de Bataille et Fontaine ; le critique
de Libé Louis Skorecki était venu en
personne présenter le troisième épisode des
Cinéphiles (on reconnaît parmi les interprètes
notre collaboratrice Axelle Ropert) :
manies et manières de cinéphiles, la critique
considérée comme un genre poétique, méchants
petits coups de griffes – qu’on peut juger
un peu gratuits, ce film tourné avec des
moyens très limités provoqua en nous une immense
émotion, une petite fierté d’aimer le cinéma
(même si la cinéphilie d’aujourd’hui
prend des formes de plus en plus variées,
dont le film, plus intemporel, ne
rend pas forcément compte).
Parmi les courts métrages, nous
retiendrons l’insolite et ambitieux
Histoire naturelle d’Ysé
Tran, les docus Sur la piste de
Julien Samani (dont nous avions
salué le moyen métrage La Peau
trouée il y a deux ans) et le poétique
Le Ver de No‘lle Pujol,
ainsi que le mystérieux et fascinant
N12¡13.062’/W001¡32.619′
Extended de Vincent Meessen,
8 minutes de pur cinéma (pas un
plan inutile), qui fut récompensé,
à juste titre, à la fois par le jury
documentaire et par le jury fiction…
Puisque nous parlons de prix, venons-en au gagnant
de cette 21e édition. Avant de remettre
le Grand Prix du film de fiction à Honor de Cavalleria
d’Albert Serra, les membres du jury
dénoncèrent – un peu maladroitement pour les
metteurs en scène présents qui n’étaient pas
récompensés – le « néoacadémisme » qui selon
eux frappaient beaucoup des films sélectionnés.
Il me semble que le film d’Albert Serra,
déjà vu à la Quinzaine des réalisateurs et
primé au Festival de Turin en 2006, était justement
le film qui présentait le plus les symptômes
d’un académisme moderne.
Certes, cette variation autour de la figure de
Don Quichotte est belle, presque cosmogonique,
la sensation du bruissement de la nature
émerge peu à peu de la durée, mais on
peut aussi trouver que Serra se complaît de
façon voyante à se regarder filmer le temps
qui passe, à emprunter au cinéma le plus moderne
des procédés auxquels il recourt sans
en ressentir lui-même la nécessité. On apprit
que son prochain film aurait pour sujet les
Rois mages. Et ensuite ? Madame Bovary
(trois heures de déambulations en robe à
volants dans le bocage normand) ? Hamlet
(errance dans le brouillard sur les remparts
d’Elseneur)? Un cinéaste à surveiller de près,
quoi qu’il en soit.
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