« Dylan a vécu avec le poids d’être Bob Dylan. C’est une pression énorme pour un seul homme », nous dit le réalisateur Todd Haynes. C’est peut être pour alléger ce fardeau qu’il a fait appel à six acteurs, dont Cate Blanchett, afin d’incarner l’icône américaine dans « I’m Not There », troisième biopic d’un cinéaste fan.
Tout au long de sa filmographie, Todd Haynes a travaillé en cinéaste fan, explorant les objets culturels qui l’ont marqué, faisant de la distance entre le passé de ses fétiches et le présent de son travail le sujet de son cinéma. Après avoir joué aux poupées Barbie avec Karen Carpenter (Superstar), aux soldats de plomb avec Bowie et Lou Reed (Velvet Goldmine), aux crayons de couleurs affectives avec Douglas Sirk (Loin du paradis), Haynes s’est attaqué à un genre de partie d’échecs avec Bob Dylan, le jouet le plus complexe, mystérieux et fascinant du grenier de la culture populaire des cinquante dernières années.
Loin d’une statue monumentale, I’m Not There est une création ludique et intelligente, qui joue avec Dylan, sa réalité, sa légende mythomane et son imaginaire, un film porté par une mirifique bande-son et par une idée à la fois simplissime et synchrone de notre postmodernité : prendre six acteurs pour incarner sept phases de ce chanteur polymorphe. Modeste, enjoué, toujours habité par son sujet, Todd Haynes raconte et analyse cette aventure filmique qu’il a portée et qui l’a porté pendant sept ans.
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Entretien > Todd Haynes – J’ai découvert Bob Dylan au lycée, vers la fin des années 70, à travers un Greatest Hits. Ensuite, rapidement, j’ai découvert ses albums classiques. J’adorais ses chansons, j’étais fou de Blonde on Blonde, je me passais souvent cet album en faisant de la peinture. La musique de Dylan véhiculait une force et une sensation de liberté irrésistibles quand on avait entre 16 et 20 ans.
Vous faites partie des auditeurs de Dylan des générations d’après, de ceux qui l’ont découvert et aimé tardivement.
Oui. Je ne me souviens même pas de la sortie de Desire (1976). J’ai commencé à être synchrone avec Street Legal (1978) et Slow Train Coming (1979). La première fois que je l’ai vu en concert date de ces années-là, de ma dernière année de lycée. Mais ensuite, j’ai arrêté de l’écouter, il est sorti de ma vie d’auditeur pendant une vingtaine d’années. Il m’arrivait de réécouter Blonde on Blonde à l’occasion mais je ne suivais plus du tout son actualité. Je n’ai finalement pas tant de souvenirs liés à Dylan.
Pour quelles raisons ? La rupture punk ?
C’est vrai que j’ai été marqué par le punk, le post-punk, etc. Mais je n’ai jamais rejeté Dylan, je me suis juste éloigné de lui, ou c’est lui qui s’est éloigné du front de la musique. Et puis quand vous vous mettez à écouter de la musique, une découverte en entraîne une autre, puis une autre et ça part dans toutes les directions. Dylan étant découvert, je suis passé ensuite à Bowie, puis Roxy Music, puis le punk, etc. De plus, ce qu’il faisait dans les années 80 et 90 m’intéressait moins.
Qu’est-ce qui vous a ramené vers lui ?
A l’approche de mes 40 ans, je vivais mon dernier mois à New York. Je n’y étais pas heureux, j’étais mal dans ma vie, j’étais heureux seulement de mes films. Je voulais améliorer les choses mais je ne savais pas comment. Après Velvet Goldmine, j’ai fait un break, j’ai lu tout Proust, j’ai voyagé un peu. J’ai transcendé mes frustrations en réalisant un mélodrame à la Sirk. Pour approfondir le scénario de Loin du paradis, j’ai quitté New York. Ma sœur qui habitait Portland, Oregon, avait entendu parler d’une petite maison victorienne qui était libre et que je pouvais occuper gratuitement quelques mois. Au début de 2000, j’ai pris ma voiture, j’ai traversé le pays et c’est là, pendant ce voyage, que Dylan m’a submergé à nouveau. J’avais de nouveau un intense besoin de l’écouter. A la moitié du voyage, à Kansas City, j’ai acheté l’anthologie American Folk Music.
En arrivant à Portland, j’ai acheté le premier coffret des Bootlegs Series. J’étais emballé, sidéré. C’était comme une nouvelle révélation. Un ami m’a passé les Basement Tapes… Dylan me retournait sens dessus dessous. A ce moment-là, j’ai lu La République invisible de Greil Marcus, puis tout sur Dylan, ses biographies, ses entretiens. Je me suis même mis à acheter de vrais bootlegs de Dylan… La nuit, j’écrivais Loin du paradis, le jour, je me vautrais dans Dylan. Et plus généralement, je me plaisais beaucoup à Portland, une petite ville sympa, pleine de gens très cool.
A quel moment avez-vous pensé à un film sur Dylan ?
Pendant cette période d’intense redécouverte de Dylan. J’ai tout de suite eu cette idée d’un film dont la dramaturgie serait fondée sur différents personnages incarnant les changements de Dylan. J’en ai parlé à Christine (Vachon, sa productrice – ndlr) et elle m’a tout de suite dissuadé, à cause du problème des droits musicaux, problème que nous avions déjà eu sur des films précédents. Alors là, “un film sur fucking Bob Dylan !?, me dit-elle. Oublie !” Puis, elle a pensé à contacter Jesse Dylan, son fils aîné, réalisateur, notamment de clips vidéo. Il nous a reçus, écoutés, il nous a dit à quel point Bob était un bon père, à quel point lui et ses frères s’étaient sentis aimés et protégés par lui. Il nous a donné le contact du manager de Bob, Jeff Rosen à New York.
Nous l’avons appelé pour lui présenter notre concept de sept personnages représentant Dylan. Jeff nous a répondu que ça lui rappelait Ginsberg, qui voyait en Dylan une collection d’archétypes américains. Il nous a proposé d’écrire le projet très simplement sur une page et de l’envoyer à Dylan. Il nous a aussi donné de bons conseils tels que ne pas lui faire trop d’éloges, ne surtout pas parler de lui comme de la voix d’une génération, ou comme un génie du XXe siècle…, car il déteste ça. Alors, ça s’appelait I’m Not There – Suppositions on a Film about Dylan, et on décrivait les sept incarnations de Dylan. Pendant ce temps, j’étais viré de mon appart new-yorkais, et ça tombait bien parce que je désirais rester à Portland, qui a changé ma vie. J’ai reçu un coup de fil de Jeff Rosen : “On a parlé à Bob, il nous a dit : “Ces gens, vous les sentez bien ? Ok, donnons-leur les droits.” Et c’était tout ! Incroyable !
Le concept central du film est étrange, novateur, dans la mesure où on ne connaît pas de films où six acteurs jouent le même personnage. Mais dans le cas de Dylan, cette idée devient lumineuse, évidente.
Je dirais même que cette idée peut s’appliquer à nous tous, non ? Tous, nous changeons, nous jetons nos anciens moi. L’exemple typique est une rupture amoureuse. On a l’impression de devoir jeter les années qu’a duré la relation. Et on pense, quel gâchis, quelle perte de temps ! Hein ? Mais non ! C’est absurde ! Ces années sont une partie de votre vie, vous les avez vécues pleinement. Ce n’est pas pour autant une raison pour que la relation dure jusqu’à votre mort. Une relation peut se terminer, être remplacée par une autre, mais ça ne veut pas dire qu’elle était une erreur ou qu’elle ne fait plus partie de votre vie. On a quand même d’étranges façons de ne pas nous autoriser à changer ! Consciemment ou pas, nous ne faisons que ça tout au long d’une vie, changer de direction, de projet, d’amis, d’amoureux, de maisons, que ce soit planifié ou pas. Prendre six acteurs est donc à mon sens une façon honnête de raconter une vie.
C’est juste, mais c’est encore plus évident avec Dylan dont les changements sont radicaux, au cœur de son travail, de son image.
Absolument. Le niveau de son inspiration est tellement constant et profus qu’il a créé un corpus musical qui est l’expression même de ses changements. Chaque disque, chaque période de Dylan est comme un minifilm qu’il aurait réalisé. Peut-être que la seule vérité tangible de Dylan, c’est ce qu’il a fait, ses disques. Et cette activité intense, cette production énorme montre qu’il n’a cessé de se réinventer.
Pourquoi avez-vous mélangé faits biographiques (plus ou moins avérés) et univers de ses chansons ?
Je voulais mélanger faits avérés, faits inventés par Dylan et univers de ses chansons ; et je voulais donner le même poids à ces trois niveaux. Je ne fais finalement que croiser sa vie avec son imaginaire. Mais on retrouve dans les différents niveaux les mêmes idées, les mêmes thèmes, qui se reflètent d’un niveau à l’autre. C’est plus riche, plus intense, plus intéressant ainsi. Je ne voulais pas filmer juste des faits biographiques, ou juste une transposition de ses chansons : c’est le croisement des deux qui produit une circulation intéressante.
Dans la partie en noir et blanc avec Cate Blanchett, vous êtes proche de la bio parce qu’il existe déjà des images documentaires de cette tournée anglaise, le fameux Don’t Look back de Pennebaker. En revanche, la partie avec Richard Gere est vraiment un mélange entre bio et imaginaire de ses chansons.
Exactement. On me dit souvent que Cate et Christian Bale ressemblent beaucoup au vrai Dylan, mais que Heath Ledger est plus flou. Tous les biopics mélangent faits et fiction, en prétendant que tout est “vrai”. Dans mon film, je pratique ce même mélange, mais je ne prétends pas que tout est “vrai”, au contraire, je fais participer le spectateur en exposant clairement que le film est un mélange de faits recréés et d’imaginaire.
I’m Not There est votre troisième biopic, après Superstar et Velvet Goldmine. Tentez-vous consciemment d’échapper aux écueils courants du biopic (hagiographie, schématisme, iconolâtrie…) ?
Plutôt que d’éviter les écueils, ce qui m’intéresse c’est de les montrer. J’aime utiliser les clichés biographiques, j’aime les exposer, j’aime jouer avec les attentes des spectateurs. Je veux que les spectateurs voient clairement les pièges d’une bio filmée, mais qu’ils se rendent compte aussi que je ne me laisse pas avoir par ces pièges. J’aime mettre à nu le genre.
Vous adoptez un style différent pour chaque période, passant de la couleur au noir et blanc, de plans longs à un montage rapide, du dialogue fourni à la contemplation, etc. Ne craigniez-vous pas le risque du patchwork et de l’imagerie ?
Le concept de faire jouer un personnage par différents acteurs était potentiellement illimité. J’ai dû me fixer certaines limites. Après avoir ébauché les différents personnages de Dylan, je me suis aperçu qu’ils avaient tous leurs racines dans les années 60. Je me suis donc limité aux sixties, c’était un premier choix. Toutes les références cinématographiques du film font aussi partie des sixties, ce fut un deuxième choix. Tout en fixant ce cadre temporel, il faut se rendre compte qu’à l’intérieur de ce cadre existait une grande variété, parce que les sixties furent une période très riche, très diverse, ne serait-ce qu’en cinéma. Par exemple, pour la partie “Robbie”, j’ai pensé à Godard. Pour Cate Blanchett, c’était Fellini et particulièrement 8 et demi ; pour Richard Gere, les westerns hippies de la fin des sixties et des seventies, etc. C’est vrai que ces univers sont très hétérogènes, mais ils reflètent les phases de l’imaginaire dylanien. La combinaison de noir et blanc et de couleur dans un même film est une invention stylistique des sixties. Les sixties sont pour moi l’acmé et la fin de la période moderne. Dylan, c’est la dernière bouffée de modernité, où vous avez un auteur cohérent qui essaye d’articuler un monde incohérent. Ça part dans tous les styles, mais c’est unifié par une voix unique et singulière, celle de l’Artiste.
Votre film s’inscrit dans un grand retour de Dylan sur le devant de la scène depuis quelques années. De meilleurs disques, des livres, sa propre autobiographie, le docu de Scorsese… Comment analysez-vous ce retour, après des années d’éloignement ?
Il y a aussi son émission de radio hebdomadaire, qui est formidable. Ce retour est un processus remarquable. Un artiste parvient à surmonter sa propre légende et continue à créer les conditions qui lui permettent de poursuivre une œuvre en toute liberté. Il ne s’agit pas simplement de se planquer quelques années pour échapper à la pression du business ou du public, ou de chanter sans cesse en tournée afin de vivre toujours dans le présent. Non, il y a quelque chose de plus extraordinaire, et qu’il évoque superbement dans ses Chroniques.
Un gars comme Dylan a débuté par une avalanche d’inspiration créative, mais une inspiration inconsciente, presque totalement instinctive et qui n’a duré qu’un temps. Vous imaginez ? Ce type-là a dû réapprendre à créer, à dépasser ce torrent originel, et le processus créatif est devenu conscient, c’en était fini de l’inspiration automatique. Il a dû inventer une nouvelle méthode pour trouver sa voie et sa voix, et pour survivre au mythe énorme généré par son début de carrière. C’est un des passages les plus intéressants et émouvants de Chroniques, quand il est à la Nouvelle-Orléans et qu’il est en pleine crise d’inspiration, qu’il doute de lui-même. Je trouve que c’est très courageux et généreux de sa part d’exposer aussi frontalement toute sa vulnérabilité. Dylan a vécu ainsi une partie de sa vie avec le poids d’être Bob Dylan. C’est une pression énorme pour un seul homme.
A votre avis, ce retour de Dylan s’inscrit-il dans un mouvement plus vaste de désenchantement présent, de nostalgie des sixties/seventies vues comme une sorte de paradis perdu ?
Je ne suis pas sûr de détenir la réponse à cette question. C’est vrai qu’on se pose parfois des questions, plongés que nous sommes dans une culture profondément médiocre, dominée de plus en plus par la loi du marché. Je crois que nous vivons en effet en Occident, et particulièrement en Amérique, une crise sans précédent. Ça se voit à tous les niveaux : politique, culturel, identitaire… Notre domination américaine est en crise et il se peut bien qu’elle ne soit jamais réparée. Nous sommes plongés dedans, ce qui fait que nous avons du mal à jauger ses dégâts, à mesurer les aspects destructeurs de notre évolution. Car l’Amérique conserve malgré tout une culture et une société incroyablement riches, pourries gâtées, avec tous ces moyens de nous distraire. Je pense aux multiples artefacts de la culture-Kleenex qui nous détournent constamment des questions essentielles. Dans les sixties, au contraire, la culture populaire était directement connectée à ces questions essentielles, elle était un vaste forum où se mesuraient de grandes voix qui portaient ces interrogations. Mais nous commençons peut-être à en avoir marre du grand vide existentiel, et nous avons peut-être un intense besoin de retrouver du sens, de l’implication. Le retour de Dylan est peut-être l’un des symptômes de ce besoin.
Il est peut-être bon de s’inspirer de l’esprit des sixties, mais le risque n’est-il pas de tomber dans une nostalgie stérile ?
C’est incroyable de voir à quel point les sixties nous sont devenues lointaines, étrangères. Nous étions concernés par le sort des basses classes sociales, par la protection sociale, une forte classe moyenne et une classe populaire dotée d’espérance nous importaient, nous étions habités par la croyance dans les possibilités offertes par l’art, la liberté créative, etc. Toutes ces valeurs de base des sixties ont aujourd’hui disparu ! Et on dirait que nous avons oublié pourquoi tout cela était important. C’est quand même déprimant…
Je crois que la période conservatrice en Amérique a commencé à la fin des années 1960, en réaction. Et je crois que nous vivons toujours en Amérique dans une période de réaction aux sixties, mais nous ne nous en rendons même pas compte. Mon hypothèse sur ce qui se passe avec Bush, c’est qu’il n’a pas créé cette ère réactionnaire, il en a hérité et l’a portée à un point maximal, peut-être final et autodestructeur. Peut-être allons-nous bientôt entrer dans une période contre-réactionnaire qui nous forcera à réexaminer notre histoire récente pour mieux en comprendre les ressorts.
Dylan est un des personnages les plus complexes de notre culture moderne, et son œuvre est soumise à quantité d’interprétations. Qu’avez-vous appris sur lui ? Quelle est votre vérité sur Dylan ?
J’ai surtout mis le doigt sur des choses dont je me doutais, j’ai eu confirmation d’intuitions que j’avais. C’est vrai, Dylan est mystérieux, parfois ésotérique, et il est difficile d’expliquer les raisons de sa popularité, de la puissance de sa trace, et de sa longévité. Peut-être que Dylan n’aurait pas existé sans les sixties, sans cette période si sophistiquée, ouverte et libre. Mais cela n’explique pas comment il a duré, comment il est resté cette figure toujours aussi importante aujourd’hui. Il a embrassé chacune de ses phases totalement. Quand vous entrez dans l’une d’elles, comme j’ai essayé de le faire dans le film, chacune est absolument cohérente. Ce qui est excitant et rend les gens fous, c’est l’attitude de Dylan, ses rejets, ses dénis, ses désaveux de ce qu’il a fait la veille. Or, il a bel et bien accompli ceci ou cela, mais il ne veut souvent pas l’admettre. Ce qui est très éclairant pour moi, c’est que le processus par lequel Dylan a mené sa vie et sa carrière est fondamentalement américain. Toutes les chansons populaires américaines voyagent dans le temps comme Dylan, elles traversent différentes mutations, sont constamment réinventées. Dans ces processus, il y a toujours un jeu entre la vérité et le mensonge, entre la révélation et le déni… C’est un pays qui s’est inventé lui-même, sur une promesse de liberté qui était dès l’origine un mensonge.
C’est exactement le sujet du dernier livre de Greil Marcus, L’Amérique et ses prophètes.
Tout à fait. Mais notre système exposait ses propres mensonges et éventuellement les corrigeait. Et ça a continué comme ça, entre mensonges et corrections des mensonges, à travers toute l’histoire américaine. C’est un processus constant de révélation de mensonges, de régénération, de correction. Ce qui fait peur, c’est à quel point nous avons bloqué ce processus ces dernières années. Nous avons grand besoin de le faire redémarrer.
Votre film ne couvre pas du tout les trente dernières années de Dylan mais s’arrête historiquement aux Basement Tapes, période incarnée par Richard Gere.
Le Dylan joué par Richard Gere est une sorte de télégraphe humain connecté sur les racines de la musique américaine, mais qui communique aussi avec le vrai Dylan futur par sa relation très alternative avec le monde extérieur. Dylan a fermement contrôlé sa relation au monde extérieur à partir de sa première retraite en 1966-67. A partir de cette période, Dylan a organisé son rapport aux médias selon ses propres conditions, sur le mode du retrait et du mystère. C’est pour ça que le volet Richard Gere est le plus symbolique, le plus ouvert à l’interprétation du spectateur. C’est un mélange entre une hypothèse sur sa vie retirée et l’univers de ses chansons période Basement Tapes. Aujourd’hui encore, Dylan vit dans ses chansons, il les joue quasiment tous les soirs, il les réinterprète constamment.
Dylan a vu votre film ?
Je n’en sais rien. Nous l’avons invité à un certain nombre de premières, nous figurant qu’il ne viendrait pas, et il n’est pas venu. On a essayé d’organiser une projection privée, qu’au moins il voit le film sur grand écran. Mais son fils Jesse nous a dit : “Nope ! Envoyez un DVD, ça ira.” J’aimerais bien connaître son avis. Je suis optimiste, je crois qu’il sera sensible à son ludisme, à son absence de révérence et de monumentalisation. Il a toujours eu le sens de l’humour, notamment sur lui-même, et c’est une des raisons qui lui ont permis de durer.
Vous n’avez jamais eu de contact avec lui pendant la fabrication du film ?
Non, je n’en avais pas besoin. Et je ne sais même pas ce que je lui aurais dit ou demandé… Je n’aurais pas voulu nous mettre dans cette situation inconfortable pour tous les deux. Vous imaginez ? : “Qu’avez-vous ressenti quand vous êtes passé à l’électricité ?” Ça aurait été embarrassant, réducteur et totalement inutile.
Avez-vous un Dylan favori, une période, un disque, une chanson ?
Non, je prends tout ! Pour faire le film, j’ai dû tout prendre de toute façon. Mais je ne l’ai pas regretté, ce fut un chemin parsemé de découvertes, de plaisirs, de récompenses et je me suis investi dans tous les aspects de Dylan. Mais il en est de Dylan comme de la vie, on a toujours une pensée spéciale pour son premier amour, pour les grandes premières fois. Mon premier grand amour avec Dylan, c’était l’album Blonde on Blonde et l’année 66.
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