Habitué aux rôles de taiseux et de beaux ténébreux, il aimerait tenir celui d’un avocat, histoire de faire entendre sa belle voix. En attendant,Nicolas Cazalé est « Le Fils de l’épicier »,l’un des films français de l’été, qu’il irradie de tout son charme.
Sur la bonne voix
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Nicolas Cazalé n’est pas à Paris. A quelques semaines de la sortie du film Le Fils de l’épicier d’Eric Guirado, dont il tient le rôle-titre, il savoure les retrouvailles estivales annuelles avec ses frères dans la maison de son père, près de Villeneuve-sur-Lot. Premier indice : Nicolas ne serait donc pas de ces comédiens qui font le pied de grue à côté de leur téléphone pendant la promotion de leur nouveau film, comme si cela leur importait davantage que le film lui-même. L’interview se fera donc à distance. Mais ce qui pouvait s’annoncer comme un handicap s’avèrera plutôt un avantage. Car Nicolas Cazalé est très beau. Typé Sud, peau mate, lèvres à baisers, regard sombre et fendu, le genre de physique à enflammer tout ce qui passe : femmes, hommes, enfants, chiens, lampadaires. Au téléphone, on ne sera donc pas perturbé par son physique de braise. On se concentrera alors sur sa voix. Car c’est là, particulièrement, que se cristallise l’art d’acteur de Nicolas Cazalé. Dans Le Fils de l’épicier, par exemple, sa voix est sourde. Il joue un fils vaguement rebelle, bourru, peu à l’aise avec les mots. Plutôt habitué à le voir dans ce genre de rôles taiseux (Le Clan de Gaël Morel, Vendredi dans Robinson Crusoë à la télé), on avait fini par l’imaginer avec ce timbre un peu fermé. Mais au téléphone, c’est une voix très claire qui répond. Celle d’un enfant enthousiaste, en train de réaliser ses rêves, et qui savoure le moment avec modestie et générosité. Un enfant de 30 ans tout juste, né le 24 avril 1977 à Pau. “Gamin, je passais plus de temps dans les stades qu’à l’école. Ce qui me faisait rêver, c’était le sport de haut niveau : football ou athlétisme.” Et puis, l’année du bac (commercial), Nicolas a eu ce qu’il appelle – avec toujours autant de surprise dans la voix – le “déclic”. “Une copine avait insisté pour que je vienne la voir répéter une pièce de théâtre, comme elle le faisait tous les samedis après-midi. Je me suis retrouvé devant la scène avec des gens âgés, d’autres plus jeunes, tous l’air tellement heureux d’être là. Ça m’a foudroyé. J’ai su, instantanément, que c’était là que je voulais être, que c’était mon chemin.” Peut-être qu’écrit comme ça le souvenir de ce déclic paraît un peu cliché. Mais c’est là que manque la voix de Nicolas, sa sincérité et son exaltation. “D’un coup, j’ai eu un point à l’horizon vers lequel marcher. J’ai su que ce ne serait pas la galère parce que je savais dans quelle direction aller.” Ce soir-là, après les répétitions, sur la mobylette du retour, Nicolas pense déjà à ce qu’il va mettre dans sa valise pour monter à Paris. Une fois installé dans sa chambre de bonne, il s’inscrit au Cours Florent, mais peine à y re trouver “le plaisir de jouer brut” dont il avait été le témoin. Il part alors faire le tour du monde : Israël, Canada, La Réunion, Guadeloupe, enchaînant les petits boulots. “Ce n’était pas du temps perdu. Au contraire : c’est là que j’ai eu le sentiment de me découvrir. Je me suis trouvé une joie de vivre que je n’avais pas jusque-là, j’ai arrêté de me poser sans cesse des questions.” Il pose ses valises à Paris en 2000, “les cheveux longs jusqu’au cul et beaucoup de boucles d’oreille”. Entre-temps, il a rencontré l’agent de comédiens Chafika (c’est elle qui a lancé, entre autres, Audrey Tautou). “Elle a commencé par me conseiller de couper mes cheveux et d’enlever mes boucles d’oreille. Ensuite, c’est allé tout doucement. J’ai appris la patience. On a commencé avec des petits rôles dans des séries télé et, petit à petit, j’ai fait des rencontres de plus en plus intéressantes.” Au hit-parade de ces rencontres de coeur, le cinéaste Gaël Morel, dont Nicolas a été deux fois l’interprète principal, pour Les Chemins de l’oued et pour Le Clan. “Quand il m’a pris pour Les Chemins de l’oued, je n’avais jamais tenu un premier rôle. C’était une énorme preuve de confiance. Grâce à lui, je me suis surpris. Il attendait beaucoup de moi. Et à la fin, j’ai eu le sentiment d’avoir comblé ses attentes en étant allé chercher des choses que je ne soupçonnais pas en moi. Car je suis plutôt pudique, comme garçon : je ne tape pas dans le dos des gens, et je ne raconte pas mes malheurs.” D’autres rôles aideront à le repérer dans le paysage des jeunes acteurs qui montent : Le Grand Voyage d’Ismaël Ferroukhi, ou encore Robinson Crusoë pour la télé, où il compose un étonnant Vendredi. “J’adore la composition. Je trouve qu’on me propose trop souvent le même genre de rôles, des garçons d’origines modestes en rage. J’aimerais ouvrir ma palette et jouer un jeune avocat, par exemple.” A l’étranger, on commence à le repérer. Il vient de tourner en Espagne avec Julio Medem, le réalisateur des Amants du cercle polaire. Il avait aussi un beau projet hollywoodien, Brando et Brando, où il devait tenir le rôle principal face à Marlon himself. Mais le monstre sacré est mort quelques jours avant le début du tournage, en même temps que le projet. Nicolas ne s’abîme pas dans les regrets. Quand il ne tourne pas, il s’isole dans son atelier pour peindre des toiles monumentales, sur lesquelles il lui arrive d’écrire des poèmes. Il tourne aussi des courts métrages en DV, mais ça ne l’intéresse pas forcément de les montrer. “Ce que j’aime, c’est le moment de la fabrication, pas le résultat.” Dans la maison de son père, pour l’été, il a emmené la trilogie Flesh, Trash et Heat de Morrissey, Les Misérables de Victor Hugo et un album de Caetano Veloso.
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