Ce film occupe-t-il une place particulière dans votre filmographie ?Ethan – Il occupe la place du dernier qu’on ait fait ! (rires) On a du mal à penser nos films en terme d’ordre d’importance dans notre carrière. Comme tous les autres qui l’ont précédé, c’est un film qu’on est heureux d’oublier ! (rires) En adaptant […]
Ce film occupe-t-il une place particulière dans votre filmographie ?
Ethan – Il occupe la place du dernier qu’on ait fait ! (rires) On a du mal à penser nos films en terme d’ordre d’importance dans notre carrière. Comme tous les autres qui l’ont précédé, c’est un film qu’on est heureux d’oublier ! (rires)
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En adaptant le livre de Cormac McCarthy, vous êtes revenu à des thèmes qui étaient présents dans votre cinéma des débuts, mais paradoxalement en filmant l’histoire d’un autre.
Joel – C’est vrai que ce n’est pas notre histoire à proprement parler. Rétrospectivement, on s’est aperçu qu’elle avait des points communs avec ce qu’on a pu faire par le passé : une histoire originale, qui se déroule dans le Sud, un shérif dans une petite ville, un scénario plutôt sombre. Ce qui change, c’est le côté course-poursuite de l’histoire, la chasse à l’homme. On n’avait jamais fait ça avant. C’est un western moderne.
Il y a une fluidité de mise en scène dans ce film plus encore que dans vos précédents. Etait-ce pour créer une continuité entre les trois personnages ?
Joel – On a saisi le mouvement général du livre, qui traite plutôt les personnages un à un. Ces trois hommes ne se rencontrent jamais vraiment. C’était un aspect intéressant de l’histoire, que nous voulions préserver. Trois trajectoires bien distinctes les unes des autres.
Ces trois hommes pourraient-ils en être un seul ?
Ethan – Jesus… ! (rires) Je ne sais pas ! Heu… non, ce n’est pas ainsi qu’on a considéré les choses. On a voulu respecter une architecture simple, classique : le gentil, le méchant, et celui qui flotte un peu entre le bien et le mal, dans lequel tout le monde peut se retrouver.
Pourquoi avez-vous choisi Tommy Lee Jones dans le rôle du shérif ? Pour les valeurs qu’il représente aux Etats-Unis ?
Ethan – Il n’y a pas ou peu de descriptions physiques dans le livre, donc on se sentait très libre de choisir qui nous convenait. C’est vrai aussi qu’à partir d’un certain âge il y a moins d’acteurs. Tommy est l’un des rares à avoir gardé intacte sa puissance de jeu, et qui puisse être convaincant dans le rôle d’un homme vivant dans cette région du Sud. En fait, c’est de là qu’il vient ! Il a vécu et été élevé au Texas.
Le film se passe à une frontière que vous avez déjà filmée dans Blood Simple. Que signifie pour vous le fait de filmer ces paysages ?
Ethan – Blood Simple se passe à un autre endroit du Texas. Mais c’est vrai que les deux films s’ouvrent sur le même type de paysage. Filmer ces régions nous procure un grand plaisir, qu’on ne saurait pas pour autant vous expliquer ! (rires) Nos deux films précédents étaient faits en studio, ce qui nous a d’abord intéressés, puis un peu lassés, parce que tout est toujours sous contrôle. L’une des raisons pour lesquelles on a été séduits par le livre de Cormac était liée au fait qu’on pourrait à nouveau filmer de grands espaces. Filmer dehors est plus stressant que de filmer en studio, justement parce qu’on ne peut pas contrôler le temps, la pluie, la lumière. Mais ça rend du coup le tournage plus stimulant, plus excitant.
Tourner en extérieur vous rappelle aussi les classiques du cinéma hollywoodien ?
Ethan – Non, quand on se retrouve au milieu de ces paysages, on ne se met pas subitement à penser aux films de John Ford. On aime ses films, sans en être fous. Il n’y a pas d’attachement sentimental ou de nostalgie cinéphile dans notre cinéma.
Quelle incidence a cet espace sur les hommes qui y vivent ?
Joel – La culture du Texas est différente de celle du reste du sud des Etats-Unis. En fait il n’y a pas de culture. C’est un pays sous-cultivé, aculturel. C’est la raison pour laquelle cette région nous intéresse.
Vous sentez-vous comme des étrangers, là-bas ?
Joel – Oui, c’est exotique pour nous. Par exemple, il y a beaucoup de contrôles d’identité, à cause de l’immigration clandestine. Les habitants sont habituésà ça, c’est intégré à leur mode de vie. Pour nous ça reste un peu bizarre.
Avez-vous peur du ridicule ?
Ethan – Nos films ne traitent pas du ridicule, mais il y a évidemment toujours ce risque qu’eux, en revanche, le soient (rires) ! Par exemple, on ne voulait pas que le personnage du méchant soit un cliché. On a travaillé sur l’idée qu’il était une espèce de prêtre, d’homme d’Eglise, donc s’inscrivant dans une forme de pureté. On se méfie des clichés en général.
Ce qui peut expliquer l’absence de musique, par exemple ?
Joel – On trouvait que l’histoire et le paysage se suffisaient à eux-mêmes. On ne voulait pas chercher à embellir les scènes.
Cormac McCarthy est venu vous voir sur le tournage ?
Ethan – Oui, il vit près du Nouveau-Mexique, où on a tourné la majeure partie du film. Il est venu nous voir plusieurs fois.
Il a aimé le résultat ?
Ethan – En tout cas, il ne s’est pas plaint (rires) !
Considérez-vous comme un luxe de faire les films que vous voulez ?
Ethan – Oui, bien sûr, nous avons beaucoup de chance. Mais c’est aussi la seule conséquence positive de faire des films qui ne coûtent pas cher, comparés à ceux qui sont réalisés à Hollywood. Les producteurs sont moins anxieux, donc plus souples, parce qu’il y a moins d’argent en jeu. En fait, notre objectif ne consiste pas à gagner beaucoup d’argent, mais à ne pas trop en perdre (rires). Ce qui fait une grande différence avec l’industrie du cinéma. Notre liberté s’explique aussi par le fait qu’on écrit nos propres histoires.
Il y a dans cette pièce un magnifique poster de Lancelot du Lac. Etes-vous amateurs des films de Bresson ?
Joel – Nous aimons énormément Bresson, et surtout ce film. Il est travaillé par l’idée d’un point de rencontre entre le monde spirituel et le monde physique. C’est un thème qui nous touche beaucoup.
Avez-vous le sentiment que la violence a augmenté dans votre pays en vingt-cinq ans ?
Joel – Non. Le pays a toujours été violent. L’idée que l’état du monde empire à mesure que l’on vieillit soi-même représente l’une des problématiques du livre de Cormac. Tout cela n’est qu’une question de perception. Le monde lui ne change pas. Mais je peux vous assurer que la vie à New York est infiniment plus sûre qu’il y a vingt ans !
Un mot sur votre prochain film, Burn after Reading, que vous venez de tourner ?
Ethan – Oui, c’est avec Brad Pitt, George Clooney, Frances McDormand et John Malkovich. Le film parle de la CIA et de la culture fitness dans notre pays.
Propos recueillis par Christine Masson. Entretien traduit par Emily Barnett
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