Tornade sexy de la Nouvelle Vague, égérie des jeunes Chabrol et Truffaut, puis des mythes Garrel et Eustache, elle revient dans le nouveau film de Luc Moullet. Entretien régénérant.
Je ne me souviens plus à quelle occasion j’ai découvert Bernadette Lafont : était-ce dans Une belle fille comme moi de Truffaut au cinéma ? Ou bien dans Les Bonnes Femmes de Chabrol au Ciné-Club d’Antenne 2 ? Ce dont je me souviens parfaitement, c’est que je l’ai tout de suite aimée – oserai- je écrire que j’ai tout de suite bandé pour elle ? Oui, parce que c’est quand même ça aussi, le cinéma. Un corps et un visage italiens, latins, méditerranéens, des courbes sexy et généreuses, un joli minois qui respirait l’espièglerie, l’intelligence, la bonne humeur dès qu’il s’éclairait d’un sourire – ce qui était souvent le cas. Et puis une voix, encore plus érotique que ses formes. Si les origines et le look de Bernadette sont méridionaux, son timbre net et son phrasé grasseyant ont une gouaille très parisienne. Bernadette Lafont, c’est un peu Arletty dans le corps de Silvana Mangano, une plastique de star mais un habitus de proximité, une simplicité populaire, exubérante, tout ce qui lui fait dire qu’elle n’est “pas rohmérienne”. Femme et actrice sensationnelle, Bernadette a aussi eu le bon goût et la bonne fortune de se trouver au bon endroit au bon moment, soit à la naissance de la Nouvelle Vague, qui fut aussi une renaissance du cinéma mondial. Présente dès les premiers Truffaut et Chabrol, Bernadette a poursuivi un cursus cinématographique impeccable, de Doniol-Valcroze en Rivette, de Garrel en Eustache, jusqu’aux Luc Moullet ou Zoe Cassavetes d’aujourd’hui, semant des pépites aussi considérables que Les Mistons, Le Beau Serge, Les Bonnes Femmes, La Fiancée du pirate, Le Révélateur… Mais elle n’aurait fait que La Maman et la Putain que son passeport pour la postérité était assuré. Le génial et foireux Prestige de la mort de Luc Moullet est un beau prétexte (elle n’y tient qu’un petit rôle) pour rencontrer enfin cette personnalité cardinale de notre cinéma. Malgré les années qui passent et les tragédies qui ont marqué sa vie – elle a perdu sa fille, l’actrice Pauline Lafont, blessure inguérissable qu’elle partage avec sa grande copine Bulle Ogier –, Bernadette Lafont est toujours pimpante, vive, pétillante. Le sourire et la voix sont là, intacts, toujours irrésistibles.
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S. K.
ENTRETIEN > Connaissiez-vous Luc Moullet et ses films ?
Bernadette Lafont – Bien sûr. Je l’ai connu par la bande des Cahiers du cinéma, et ça faisait longtemps que j’avais envie de tourner avec lui. Je me souviens très bien d’Anatomie d’un rapport, que j’avais trouvé formidable. Et aussi Une aventure de Billy the Kid, avec Léaud. Pour moi, Moullet est un peu un équivalent au cinéma de Jarry : un ovni. Quand il m’a proposé Le Prestige de la mort, j’étais très contente, même sans lire le scénario. Je me disais qu’il me manquait Moullet dans ma série de films un peu ouf.
Que pensez-vous de cette expérience ?
Je n’ai pas été déçue. On a travaillé dans des lieux superbes, comme ce vieux cimetière abandonné de haute Provence, où Moullet avait de la famille. Le scénario est fou, le résultat final drôle mais inégal. Je trouve dommage que le film n’ait pas la grâce, par exemple, de Billy the Kid. Mais quoi qu’il en soit, c’est du Moullet, c’est unique.
Le film contient des passages assez gonflés, comme filmer son propre enterrement.
Ça, c’est Moullet, il peut tout se permettre. Il est au-delà du bon goût, au-delà du ridicule.
Pour vous, tourner avec lui, c’est une fidélité à la fois amicale, esthétique et professionnelle à la Nouvelle Vague ?
Oui, en quelque sorte. Il manquait une fleur à mon bouquet et Moullet m’a offert ce drôle de chrysanthème !
Dans votre bouquet Nouvelle Vague manquent aussi Rohmer et Godard.
Je ne suis pas du tout dans l’univers de Rohmer, je ne suis pas rohmérienne. Quant à Godard, on a failli. A l’époque où je tournais A double tour de Chabrol, Godard préparait A bout de souffle. Il m’avait dit : “Je risque de ne pas avoir Jean Seberg, or ça ne peut être que Belmondo avec Seberg. Si je ne l’ai pas, je pense à toi et Charles Aznavour.” Aznavour n’avait pas encore fait Tirez sur le pianiste, mais il avait joué dans La Tête contre les murs de Franju. Ensuite, il y a eu un autre projet : Mouchette. Ça ne s’est pas fait, et puis surtout Godard a rencontré Anna. Mais j’ai tourné dans le même film que lui acteur, Nous sommes tous encore ici d’Anne-Marie Miéville. Il y est d’ailleurs inénarrable ! On déclamait du Platon avec Aurore Clément dans une cuisine ! Godard était tellement drôle, avec son bonnet de laine, en train de réciter du Hanna Arendt dans un bistrot !
Pourquoi n’êtes-vous pas rohmérienne ?
Ça doit être une question de matériau pour lui. Les grands Rohmer concernent des femmes peut-être trop éthérées pour moi. Il recherchait probablement une sophistication qu’il ne trouvait pas chez moi. Mais je l’aime beaucoup et on est toujours très contents de se voir.
Comment vous êtes-vous retrouvée dans la bande des Cahiers ?
J’étais mariée à l’époque avec Gérard Blain. Les Cahiers étaient aux Champs-Elysées et c’était une vraie ruche. Les amis des rédacteurs de la revue y passaient souvent, pour discuter le coup avec eux ou pour aller au cinéma. Il y avait un type un peu oublié aujourd’hui, mais très important, qui était Paul Gégauff. C’était un génie, Les Bonnes Femmes de Chabrol, c’était surtout lui (il en a écrit le scénario – ndlr). Paul Gégauff, c’était un peu le Brian Jones de la Nouvelle Vague.
Les Bonnes Femmes avait été mal reçu ?
Un vrai désastre. J’ai entendu dire que ce film a suscité les mêmes réactions que La Règle du jeu, qui avait déchaîné les foudres à sa sortie. Tout le monde, droite et gauche confondues, trouvait que Les Bonnes Femmes était un film misogyne, réactionnaire…
Fassbinder avait écrit un texte où il qualifiait ce film de fasciste.
Ah bon ? Zut, moi qui adore Fassbinder… Pourtant, c’est un film extraordinaire, avec une noirceur… On sent Gégauff derrière tout ça. Mais ce film a influencé beaucoup de gens. Quand j’ai rencontré Eustache la première fois, il m’a tout de suite dit qu’il voulait rencontrer Gégauff, parce que Les Bonnes Femmes était le film qui lui avait donné envie de faire du cinéma. Gégauff habitait en dehors de Paris, mais je l’ai appelé, lui expliquant que j’étais avec un jeune metteur en scène qui l’admirait. Et Gégauff a dit : “Mais oui, venez déjeuner.” Et nous voilà partis avec la 2 CV d’Eustache. J’étais présente quand Labarthe et Eustache ont fait un entretien avec Gégauff, qu’ils destinaient aux Cahiers mais qui finalement n’a pas été publié. Cette rencontre mythique est sortie beaucoup plus tard dans une revue de Strasbourg, Limelight.
Vous êtes devenue actrice par le hasard de rencontres heureuses ou par vocation ?
J’avais envie de faire ce métier, mais à l’époque c’était tellement improbable de faire du cinéma… Aujourd’hui, presque tout le monde peut jouer et réaliser. Mais au-delà de mon envie, c’est certain que j’ai eu la chance de faire certaines rencontres.
En tournant dans Les Mistons de Truffaut en 1957 et Le Beau Serge de Chabrol en 1958, vous avez été présente à un moment historique du cinéma.
C’est vrai. Mais à l’époque, on ne s’en rendait pas compte. On était juste des jeunes gens dont certains voulaient faire des films, d’autres comme Blain, Brialy ou moi qui voulaient jouer la comédie. Les cinéastes de la Nouvelle Vague n’avaient pas suivi le cursus habituel de l’époque, qui voulait que l’on soit d’abord assistant réalisateur pendant des années avant de devenir éventuellement réalisateur. Et puis la révolution technique a permis aussi cette éclosion, notamment les nouvelles pellicules. Tout d’un coup, on a pu tourner dehors, avec des opérateurs comme Raoul Coutard, Henri Decae, qui avaient filmé la guerre d’Indochine.
Comment était Truffaut pendant le tournage des Mistons, son premier film ?
On l’appelait “le petit caporal”, parce qu’il ressemblait à ce tableau de Napoléon au pont d’Arcole. Il était très conquérant, sûr de lui, embarqué par une volonté énorme… Et pas du tout intimidé par le passage à l’acte. Ou s’il l’était, ça ne se voyait pas !
Le film dégage une charge érotique qui ne devait pas être évidente pour l’époque.
Moi, ça ne me choquait pas du tout, parce qu’avec Truffaut on avait les mêmes goûts érotiques, curieusement. Il aimait beaucoup les femmes, et nous avions un culte pour Brigitte Bardot. On aimait bien les petites actrices de l’époque, des noms qui ne vous diront rien comme Mireille Granelli, des petites brunes piquantes. Et puis il y avait eu Monica de Bergman, évidemment. Et Riz amer, avec Silvana Mangano. Moi qui avais 17 ans, qui étais du Midi, je m’identifiais plus facilement à des filles comme ça qu’aux vedettes de l’époque comme Martine Carol. Avec Truffaut, on avait aussi une passion commune pour la femme de Xavier Cugat, Abbe Lane, qui était très décorative, avec dix petits chiens minuscules. Elle avait l’air d’une Américaine, mais comme elle était sud-américaine, elle avait aussi un côté plus déjanté, moins propret… on l’adorait !
Pourriez-vous comparer Truffaut et Chabrol, dans la vie et dans le travail ?
Chabrol était le plus installé, il habitait un hôtel particulier à Neuilly avec sa femme, il avait des enfants. Avec Gérard Blain et Charles Matton, on avait de grandes discussions du genre : entre Truffaut et Chabrol, qui est le plus intelligent des deux ? C’étaient les plus extravertis de la bande. Ils parlaient très bien et c’était toujours passionnant. Chabrol était “le pape” et Truffaut “le petit caporal”. Tous les deux adoraient tourner. Je crois qu’une partie du talent d’un metteur en scène c’est de savoir choisir une équipe, et pas seulement les comédiens. Chabrol et Truffaut avaient ça en commun : amener leurs équipes en extérieur, loin des soucis de Paris, afin de créer un groupe. Ils pensaient aussi que le casting, c’est déjà 50 % du film.
Et Brialy, votre partenaire sur Le Beau Serge, qui vient de décéder ?
Il a été très important, un fédérateur. Tous ces jeunes gens qui voulaient tourner des films, qui étaient assez intellectuels, ne connaissaient pas les comédiens – on le voit bien encore aujourd’hui, les jeunes cinéastes ont un peu peur des acteurs. Mais Jean-Claude savait tout de suite créer l’ambiance, il a détendu tout le monde, il les faisait rire, il était d’un brillant incroyable. Jean-Claude a certainement décoincé les cinéastes Nouvelle Vague dans leurs rapports avec l’acteur. Et le duo qu’il formait avec Blain était très inspirant, parce qu’ils étaient tellement complémentaires, tellement différents. Un peu comme le serait plus tard le tandem Depardieu-Dewaere.
Vous avez très souvent incarné des femmes rebelles, libres, à l’image du rôle d’un de vos films emblématiques, La Fiancée du pirate de Nelly Kaplan.
Pour des tas de gens, La Fiancée du pirate reste mon film le plus célèbre. Mais c’est un peu le hasard des rencontres qui m’a fait me retrouver avec ce genre de rôle. On ne choisit pas vraiment tout, ça dépend du désir des réalisateurs. Je n’ai jamais provoqué ces rencontres, sauf peut-être avec Nelly Kaplan. J’aimais bien la littérature décadente, et je lisais ses romans, qu’elle publiait sous le nom de Belen. Je me suis renseignée sur elle et j’étais très surprise d’apprendre que c’était une très belle jeune femme, qu’elle avait été la muse d’Abel Gance. Je lui ai écrit pour un projet et c’est comme ça que je l’ai rencontrée. Ce rôle dans La Fiancée du pirate, j’en avais vraiment envie. Le film a eu un énorme succès, et encore aujourd’hui les mômes de 20 ans l’aiment beaucoup.
Dans la famille Nouvelle Vague, vous avez aussi fait Out 1, noli me tangere et Noroît avec Rivette.
Rivette, ce n’était pas du tout pareil que Chabrol ou Truffaut. Out 1 était très expérimental. C’était plus ou moins inspiré de L’Histoire des Treize de Balzac, mais on tournait sans scénario. On savait si on faisait partie des Treize ou pas, et on avait un prénom, c’était tout. J’avais beaucoup de mal, je n’étais pas du tout habituée à ça.
Vous fréquentiez aussi la troupe de Marc’O (Clémenti, Kalfon, Ogier…), proche de Rivette, sans en faire partie.
J’étais surtout très amie avec Bulle, on avait fait ce film génialement surréaliste de Jacques Baratier, Piège. Une très belle chose en noir et blanc sur le sadomasochisme.
Dans Out 1, vous aviez une très belle scène avec Jean-Pierre Léaud…
On se connaît depuis ses 14 ans. On était très contents de tourner ensemble. Dans une scène, on arrive dans une espèce de studio de danse. Tout ce que disait Rivette, c’était “Vous voulez un chargeur de combien ?” On répond : “Le plus long, 13 minutes.” Moteur… Moi, j’étais censée faire partie des Treize, Léaud, non. Alors il cherchait à en savoir plus long. On se regardait, rien ne venait ! Rien ! On était paralysés. Au bout d’un très long moment de silence et de tension, Léaud me dit : “Mais enfin ! Dites quelque chose, je vais craquer !” Et je lui réponds : “Mais si vous craquez, je vais craquer aussi !” Et c’est tout. Rivette a gardé ça et il paraît que c’est d’une intensité incroyable !
Avec Léaud, vous avez ensuite fait La Maman et la Putain. Là, vous aviez un texte !
Là, oui ! On n’improvisait pas du tout. Le tournage était tendu mais, des acteurs aux techniciens, tout le monde savait qu’on faisait quelque chose d’extraordinaire. On avait lu le scénario avant, c’était splendide. Eustache était tellement à vif, tellement concentré. Il fallait jouer très serré. Un jour, Léaud avait voulu faire une petite blague. Véronica dit à un moment dans le film : “Et vous, avec votre vieille queue en forme de bec de théière.” Et Léaud a eu le malheur de dire : “Ah oui, Lautrec disait : “Quand je bande, je ressemble à une cafetière.” Eustache l’a mal pris : “Puisque vous ne prenez pas mon film au sérieux, je m’en vais, je m’en vais !!!” Et il a quitté le plateau, alors que le budget était très minuté. Il n’était pas cool du tout.
Vous saviez au moment du tournage que le film était très inspiré de sa propre vie ?
Bien sûr, puisque Françoise Lebrun était l’ex-copine. Et la fille dont je jouais le rôle s’est suicidée après la première projection. C’était Catherine, chez qui on tournait et qui était la maquilleuse. Mais c’était très transposé, c’était Les Liaisons dangereuses au XXe siècle, ce n’était pas du cinéma-vérité. Mais c’était quand même presque gênant parce que c’était tellement douloureux pour Catherine. A un moment, j’avais dit à Eustache que je ne me sentais pas de le faire, c’était trop lourd. Il m’a dit : “Ah, si tu ne fais pas le film, je ne le fais pas !” Bon, il fallait le faire. Mais ce n’était pas gai et ça a engendré le drame total que l’on sait. Ça a été très dur pour lui. Mais c’était une époque radicale. On était après 68, des gens étaient partis sur des utopies… Il y a eu des suicides sociaux…
Vous avez aussi tourné avec Philippe Garrel. Comment l’avez-vous connu ?
C’était en 68, il avait 20 ans. On était au festival de Hyères, Jean Narboni présentait les films : “On va vous montrer un premier film, Marie pour mémoire, d’un jeune réalisateur, il s’appelle Philippe Garrel, il a 20 ans aujourd’hui.” On a vu arriver Radiguet, ou Rimbaud, ou Artaud. Il avait une ferveur, une aura… Et le film était sublime, un choc énorme. J’en parlais tout le temps à Truffaut : “Il faut que vous voyiez le film de Garrel.” Et un jour, il m’a écrit pour me dire qu’il l’avait vu et aimé. Garrel m’a ensuite proposé d’aller tourner un film dans les Vosges, et puis il y a eu Mai 68. Plus de nouvelles. Et puis, une nuit, car il n’avait pas d’heure pour téléphoner, il m’appelle pour me dire qu’on part le lendemain au petit matin pour tourner en Allemagne. C’est comme ça qu’on est parti pour la Forêt-Noire, en camionnette, avec Garrel, Laurent Terzieff, Jacques Robiolles, Philippe Rousselot, assistant de l’opérateur Michel Fournier. Tout a été tourné la nuit avec trois fois rien, des bougies, des lampes… Le Révélateur est un très beau film.
Finalement, après la Nouvelle Vague, vous avez tourné avec Garrel et Eustache, ses plus beaux enfants.
Et même longtemps après. Marion Vernoux nous voulait, Léaud et moi, pour Personne ne m’aime. Il y avait aussi Bulle dans ce très bon premier film. Malgré tout, il y a une cohérence dans les films que j’ai tournés.
Après avoir connu ces formidables années 60 et 70, avez-vous trouvé le même plaisir dans la suite de votre carrière ?
C’est difficile de répondre à cette question. J’ai commencé à faire du théâtre en 1978. Et j’ai eu du mal. Tout le monde peut faire du cinéma, ce n’est pas le cas pour le théâtre. Je me suis plantée deux fois. Et le jour où je suis enfin parvenue à jouer sur une scène, c’était formidable, et depuis je n’ai pas arrêté. Le plaisir de l’acteur, il est sur scène. Au cinéma, c’est surtout le metteur en scène.
Qu’est-ce que ça vous fait que des jeunes cinéastes vous demandent ?
Très plaisir. Dernièrement, j’ai beaucoup aimé Les Petites Vacances d’Olivier Peyon, j’avais le rôle d’une grand-mère. Pour moi, après avoir débuté très jeune fille, c’était comme boucler la boucle. Si je ne fais plus jamais de film, j’aurai au moins fait celui-là. J’ai pris aussi beaucoup de plaisir à jouer dans le film de Zoe Cassavetes. Elle a tourné en partie à Paris et j’ai une très jolie scène. Et Gena Rowlands est dans le film ; même si je ne la rencontre jamais, me dire que je suis dans le même film qu’elle, c’est formidable.
Vous continuez à voir des nouveaux films ?
J’en ai vu à Cannes un film ravissant d’un metteur en scène que je ne connaissais pas, Les Chansons d’amour. C’est merveilleux, non ? Ça m’a rappelé Demy, La Maman et la Putain revisité. Il n’a rien eu à Cannes, c’est incroyable. A Cannes, j’ai vu aussi le film des frères Coen, que j’ai adoré.
Le métier d’actrice a-t-il changé depuis vos débuts ?
La magie a un peu disparu. A l’époque où j’ai débuté, il y avait moins de films, moins de réalisateurs, la télé était moins présente. Fellini a très bien parlé de ça. Et puis la mode est omniprésente, elle a tout pris. Dans les revues, vous ne savez plus si ce visage est là pour un film, ou pour Dior. Je me demande parfois, si j’avais 20 ans aujourd’hui, si je rêverais autant qu’on a pu rêver à l’époque. Avant, on attendait le nouveau Ophuls comme le messie, maintenant, on n’attend plus. La profusion de tout tue un peu le désir. Mais il y a toujours des grands films, des grands réalisateurs et des grands acteurs.
Entretien réalisé par Jean-Baptiste Morain et Serge Kaganski
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