« Victime » du premier montage, l’actrice Aurore Clément réintègre le film dans sa nouvelle version.
« Ce film fut une aventure folle… Sur le moment, je ne me rendais plus compte où j’étais, ce que je devais faire : j’étais au milieu d’une « guerre » torride, brûlante. Les hélicoptères qui tournaient sans cesse, les armes… Certains avaient perdu la tête, un monde complètement psychédélique.
C’est Coppola qui m’a écrit pour me demander de participer à son film. Il m’avait vue dans Lacombe Lucien de Louis Malle. Quand je suis arrivée aux Philippines, j’ai attendu des jours avant de jouer. J’ai eu le temps de parler longuement avec Francis, de m’approcher doucement de mon rôle afin de le cerner. Je n’ai reçu que le texte de la séquence « The french plantation ». Je ne parlais pratiquement pas l’anglais. Christian Marquand, qui jouait mon père, me faisait répéter, ainsi que Francis Coppola. J’étais bien entourée : Christian Marquand, Vittorio Storaro, Dean Tavoularis et Martin Sheen. Et ensuite est arrivé Marlon Brando, qui lui parlait français. Il est arrivé pendant que nous tournions la séquence de la french plantation. Christian Marquand et lui étaient amis. J’étais très impressionnée de le rencontrer. Mais les barrières sont vite tombées, grâce à Marquand, et nous avons beaucoup ri ensemble. Il s’amusait de tout et de rien.
Nous étions en pleine jungle. Nous devions faire à peu près une trentaine de kilomètres en voiture pour arriver sur le tournage. La maison de la french plantation était aussi un décor. Construite près de la rivière afin que de la véranda de la maison, on puisse l’apercevoir. Sublime décor, d’où émanait une ambiance fantomatique, spectrale. Génie de Dean Tavoularis. Il y avait de la drogue, il y avait de tout dans cette aventure, mais je ne m’en rendais pas bien compte. C’était le contexte culturel de l’époque, ça faisait partie de la dimension esthétique du film. Martin Sheen, lui, était au-dedans de lui. Un artiste à part entière. Tous ceux qui étaient là l’étaient depuis des mois, dans leur rôle, dans leur folie du film. J’essayais de comprendre dans quelle folie ils étaient pour approcher mon rôle c’était mon second film.
Après avoir vu le film dans un des premiers montages, à San Francisco, je me suis effondrée. Je n’ai pas encore vu la nouvelle version. Enfin un peu, l’année dernière quand j’ai fait la postsynchronisation pour le mixage, en anglais. C’est Roman, le fils de Francis, qui a dirigé la postsynchro, à Paris, Roman allait commencer à tourner son propre film, CQ. Ce qui est touchant, c’est que dans la scène du dîner de la french plantation, c’est Roman enfant qui récite un poème de Baudelaire.
Ce que je viens d’apprendre par Francis, c’est que pour la scène où je suis dans la chambre avec Martin Sheen, Francis a retrouvé la musique originale que son père, Carmine Coppola, avait composée pour cette scène. C’est merveilleux maintenant pour moi d’avoir participé à ce chef-d’ oeuvre. »