Une vision forte et militante du monde ouvrier : l’enfer du travail dans un abattoir.
Le vrai film gore de la semaine n’est pas le remake d’Evil Dead, mais Entrée du personnel, documentaire sur un abattoir industriel en Bretagne. On a déjà vu de telles scènes, au moins depuis Le Sang des bêtes de Franju, mais jamais aussi précisément le travail de la mort à la chaîne.
Vision éprouvante, dont la résultante inéluctable est le bout de viande méconnaissable dans la barquette de supermarché. C’est la répétition de ce massacre industriel ordinaire segmenté en micro-étapes qui rend le film si obsédant. Mais au-delà de la dimension esthético-horrifique, c’est surtout un film sur les ouvriers et ouvrières de cet abattoir : “l’enjeu de ce film est bien la question du travail”, dit Manuela Frésil.
On touche du doigt non seulement la pénibilité du travail dans un tel environnement, malgré son aseptisation, mais aussi l’accélération pharamineuse des cadences qui tend à transformer en robots les humains qui ne peuvent pas (encore) être remplacés par de vraies machines.
On jurerait d’ailleurs que certaines séquences sont accélérées. Cela a des conséquences directes sur la santé des ouvriers : problèmes moteurs (tendinites et autres douleurs incapacitantes) et psychologiques (cauchemars). Un double travail de destruction du vivant : d’un côté les bêtes, de l’autre les humains. Aucun n’en sort gagnant.
On peut être un peu dérouté par la rareté de témoignages directs de ces ouvriers, le plus souvent remplacés par leurs voix off, manifestement écrites et lues plutôt que dites spontanément. Ce procédé participe de la différence de ce documentaire fort, dont la plus belle séquence est filmée en plein air : côte à côte, des ouvriers miment leurs actions répétitives dans la chaîne de l’usine. Pantomime poétique qui est le supplément d’âme de cette symphonie de la mort industrielle.