Mark Hamill, l’interprète original de Luke Skywalker, était à Paris le 23 avril pour une séance de dédicace : un événement rarissime pour les fans de Star Wars. Rencontre avec le maître Jedi et ses padawan.
10h30 du matin, au coin de la rue des Mathurins. Karine, petite brunette tendance goth, a les yeux rougis par la fatigue. Normal : elle a passé la nuit sur le trottoir, avec son copain Julien, emmitouflés dans des couvertures sur des chaises de camping. Le prix à payer pour être les premiers d’une file de 200 personnes, qui s’allonge désormais à vue d’oeil le long du Carré d’encre.
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Tout ça pour acheter ses timbres ou des belles enveloppes dans cette boutique-musée de La Poste ? Non, il s’agit plutôt de pouvoir passer plusieurs heures entourés de T-shirts Yoda, avant quelques minutes en tête à tête avec Luke Skywalker. Ou plutôt Mark Hamill, dont la gueule sera à jamais associée au héros des épisodes IV, V et VI de Star Wars, venu pour une séance de dédicace. De quoi rendre émotif n’importe quel fan de Star Wars.
L’acteur ne se livre que très rarement à l’exercice, et encore moins à Paris. Sa dernière venue en Europe, c’était à Londres en 2007. « Pour 120 euros et quatre heure de queue, t’avais le droit une dédicace et une photo. Aujourd’hui c’est gratuit. C’est inespéré », raconte Rose-Amaury, 21 ans, visiblement très connaisseur et l’un des seuls à être intégralement déguisé – avec le kimono et les bottes de Luke évidemment.
Gratuit ? Pas complètement. A l’entrée du Carré d’encre, il faut d’abord débourser 35 euros pour acheter 10 timbres collectors (5000 planches numérotées) imprimés à l’occasion du trentième anniversaire de la sortie de L’Empire contre-attaque. Mais la philatélie est souvent le cadet des soucis du fan, bien sage dans la file, venu davantage pour la signature personnalisée et le contact avec l’Idole.
Pendant l’attente, l’ambiance balance entre le gentil bavardage et le recueillement, jusqu’à la tension solitaire des plus geeks (des vrais, aux cheveux longs et lunettes en fer des 90’s). On compare avec le voisin images grands formats, livres rares ou peluches que « maître Luke » voudra bien signer, tandis que les caméras interviewent les « bonnes gueules de fan », abonnées aux mêmes refrains : « …un rêve… », « … une partie de mon enfance… », « … le héros d’une époque… ».
« C’est la première fois que je vais le voir, je vais être très émue » confie Karine, dont l’histoire de camping nocturne a ravi beaucoup de télés. N’a-t-elle pas peur de voir son Luke trente ans plus tard, plus proche du vieil empereur Palpatine ridé que du jeune Jedi frais et bien coiffé ? « Non, on suit sa carrière sur Internet, on a vu des photos. On s’est préparé. On espère juste qu’il sera sympa ».
Skywalker président
On la rassure vite : Luke est un charme. Lors de sa conférence aux journalistes avant la dédicace proprement dite, c’est un gaillard affable, la tête sur les épaules et à la plaisanterie facile qui a répondu aux questions.
Au delà de la protection des espaces menacées (tout l’argent de la dédicace sera reversé à la cause) et de ses projets dans le cinéma (il annoncera 3 films à Cannes qui sortiront chez Berkeley Square Films, sa nouvelle boîte de production), on découvrit un Mark Hamill amoureux du cinéma français, vantant les mérites du « pionnier » Georges Méliès, de Godard, et de Truffaut, ou encore en militant particulièrement pro-démocrate.
« Je ne comprends pas comment on peut être dans le parti républicain, rempli de haine. C’est le côté obscur. Certains ont comparé Georges Bush ou Dick Cheney à Dark Vador : c’est une insulte contre le père de Luke ! A la fin de la première trilogie, Dark Vador se rend compte qu’il s’est engagé dans la mauvaise voie et admet ses erreurs… On n’a pas encore vu un Républicain faire ça ! »
Skywalker, président ? Son plaisir à parler et ses interviews en exclusivité retardent en tout cas l’organisation. Chez les fans, qui piaffent derrière un cordon rouge entourés de vigiles, l’impatience monte. Les journalistes en prennent pour leur grade, accusés d’abuser de leur position privilégiée au contact de l’acteur.
On précisera que la direction du Carré d’encre a également tenu à ce que Mark signe une dédicace pour chaque employé de la maison, pendant une petite demi-heure…
Tout à coup, quelques cris. On retrouve Rose-Amaury en train d’engueuler l’équipe du Petit Journal, venue faire la pêche aux costumes. « Arrêtez d’être aussi cassant, arrêtez de filmer ! » Approbation autour de lui, tandis que le grand chauve à la caméra rétorque : « Si tu voulais pas être filmé, fallait pas venir habillé comme ça ».
Pourquoi tant de haîne ? « Ils font chier à chaque fois » explique Rose-Amaury, « ils tuent la bonne ambiance qu’on veut mettre en nous tournant en ridicule. Dans un reportage sur le concert de la comédie musicale Star Wars à Bercy, il nous ont fait passer pour des guignols. On en a marre de se faire lyncher par Yann Barthès. »
« J’aimais surtout Harisson Ford, et son ami le gros poilu »
Finalement, tout se décoince vers 12h30, pour une petite heure de signature. Les derniers de la file, à l’extérieur, se font gentiment expliqué qu’ils n’y arriveront pas. Karine et Julien, eux, se retrouvent devant leur Jedi favori, qui a déjà enclenché le pilote automatique de la signature.
Avachi sur une chaise, avec son blouson de cuir et à ses pieds une bouteille de vin rouge (fermée), Mark Hamill recopie mécaniquement l’orthographe des prénoms dictés par un assistant, sous les lumières rouges et violettes des lieux. Un sourire, un petit mot, un serrage de main, une photo… ? « C’est interdit ! » aboie une membre de la direction des lieux, aussi aimable qu’un général de l’Etoile Noire.
Petit-à-petit, la file s’écoule et ressortent les premiers heureux… ou pas. « C’est fait à la vite, c’est naze » râle un barbu à casquette qui s’enfuit avec son poster sous le bras. Chez beaucoup, pourtant, une pointe d’émotion après croisé les yeux bleus rieurs du Skywalker, ou des sourires radieux après une petite blaguounette.
Même ceux pour qui Star Wars reste une énigme sont ravis. « J’ai jamais regardé ! » rigole un grand père en survète. « On est là pour notre fils » précise Chantal, chandail vert et cheveux très blancs. « Je connais un peu les films, mais pas trop. J’aimais surtout Harisson Ford, et son ami, le gros poilu là… ».
A côté, Rose-Amaury tente désespèrement de prendre une photo de lui avec Mark en fond, sabre en ferraille à la main (« un Master Replica Echelle 1 qui m’a coûté 400 euros »). Impossible à cause de la foule et des vigiles… « Pas grave, j’y arriverai ce soir. »
Il est vrai que Mark Hamill n’en est qu’au début de sa journée-marathon. L’acteur doit ensuite se rendre sur les plateaux de Canal +, ainsi qu’à une cérémonie en son honneur au festival Jules Verne (toujours en faveur des espèces menacées), avec un tapis rouge en présence de Chewbacca, R2D2 et tout le gratin de la force.
Rose-Amaury et tous les autres en frémissent d’avance, sans penser à la fatigue de la journée et de la nuit : « Je viens de serrer la main de Luke Skywalker : j’ai assez de force en moi pour toute une vie. »
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