Après la musique, c’est au tour du cinéma de s’aventurer sur Internet. Des cinéastes en phase avec leur temps, de Tim Burton à David Lynch, des créateurs de South Park à David Cronenberg, se mettent à réaliser des œuvres spécifiques sur le Web. En plus des sites consacrés aux tournages, acteurs et coulisses, la Toile […]
Après la musique, c’est au tour du cinéma de s’aventurer sur Internet. Des cinéastes en phase avec leur temps, de Tim Burton à David Lynch, des créateurs de South Park à David Cronenberg, se mettent à réaliser des œuvres spécifiques sur le Web. En plus des sites consacrés aux tournages, acteurs et coulisses, la Toile offre aussi la possibilité de visionner des courts et longs métrages. L’âge du « cyberhome cinéma » a sonné.
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Déjà dix ans ! C’est le 17 octobre 1990 qu’IMDB (Internet Movie Database) est apparu sur le Web. Tout un symbole pour ce qui est devenu, sur le Net, la base d’information la plus complète sur tout ce qui touche au cinéma. En une petite décennie, le Net s’est imposé comme un canal dediffusion mondial et s’apprête à franchir unenouvelle étape : celle de la diffusion online de courts et de longs métrages. Un pari que même Vincent Cerf et Bob Khan, les co-inventeurs de TCP/IP, le protocole qui fixe les règles du transfert de l’information sur le Net, n’auraient un jour osé imaginer.
Le cinéma et Internet, c’est d’abord une histoire de contenu, d’informations, de rumeurs délirantes et de marketing viral. En quelques clics, Harry Knowles, auteur du site AICN (www.aint-it-coll-news.com), fait la pluie et le beau temps sur les studios d’Hollywood. Ce site perso, devenu une start-up, espionne les couloirs du tout Hollywood et diffuse, en temps réel, les secrets des tournages les plus confidentiels. Jusqu’à l’explosion du Net au grand public, le réseau était surtout le territoire des fans qui accumulaient, comme ils le font toujours, les sites persos dédiés à leurs films et acteurs cultes.
Depuis quelque temps, réalisateurs et acteurs se prennent de passion pour le Web et multiplient les projets. Toujours en avance sur son époque, Tim Burton vient de réaliser en Flash, sur le site d’animation Shockwave.com, une série, StainBoy (L’Enfant tache), inspirée de nouvelles de son recueil La Triste Fin du petit enfant huître et autres histoires. Spike Jonze, réalisateur de Dans la peau de John Malkovich, s’apprêteà réaliser plusieurs courts métrages sur le site Atomfilms.com. De leur côté, les frères Manetti ont ouvert, le 16 octobre dernier, le site www.planetinvasion.com, une histoire délirante de Martiens en plusieurs épisodes, où les internautes sont invités à écrire des scénarios. Le prochain projet de Peter Greenaway, The Tulse Luper suitcase, sera résolument multimédia. David Lynch, Trey Parker et Matt Stone, les deux créateurs de South Park, ont aussi de leur côté des projets de réalisations Web. Idem pour David Cronenberg, qui vient de démarrer à Toronto la réalisation d’une série spécialement conçue pour Internet, et dont la mise en ligne est prévue pour l’an prochain. Pour le cinéaste canadien, récemment interrogé sur Canal+, « le Web fait exploser les figures imposées du cinéma hollywoodien et donne la possibilité d’exister aux autres genres du cinéma ».
Quand il ne réalise pas pour le Web, le gratin du cinéma organise des festivals online. Ben Affleck et Matt Damon ou Leonardo DiCaprio donnent chacun rendez-vous aux internautes réalisateurs dans l’âme et en profitent pour redorer le blason du court métrage.
En termes de diffusion, le cinéma et Internet connaissent en effet pour l’instant les limites de la transmission. Jusqu’à l’avènement du haut débit généralisé, devenu monnaie courante dans les universités américaines, la diffusion de fichiers vidéo était limitée : images hachées ou pixelisées et sons saturés sont encore le lot de ceux qui se connectent avec leur bon vieux modem. Ce sont donc les formats courts qui sont encore prioritaires sur le Web. Unelogique qui suit celle du Net et de l’esprit contributif des premiers utilisateurs. Avant de court-circuiter l’industrie du cinéma, le Web est d’abord un formidable vivier de jeunestalents qui trouvent ici le moyen de faire connaître leur réalisation à un public virtuel de 300 millions de spectateurs.
Reste le problème de la diffusion. En France, le site www.primefilm.com s’est distingué ces six derniers mois en organisant un festival du court de haute qualité. Des films ont été régulièrement projetés gratuitement aux internautes, qui ont pu voter pour leurs œuvres préférées. Mêmes scénarios sur le site américain désormais culte www.atomfilms.com, où toutes les fictions du Net se donnent rendez-vous. Pour mieux s’y retrouver dans la cinéwebproduction, il existe de nombreux sites, comme www.filmson.com, qui dressent la liste et les horaires des salles virtuelles. Dans un autreregistre, Robert Lazarus, de Paramount, et Chris Buchanan, de Warner Bros, ont lancé le site www.fixer.com, un outil destiné aux professionnels. Organisé comme un studio virtuel, le site permet d’organiser des productions, des castings ou encore des tests de scénarios. Autre projet intéressant : l’initiative d’Ifilm.com, un autre diffuseur de courts métrages qui tente de mettre en ligne une base de données réservée au marché des agents et distributeurs, afin de faciliter leurs rencontres avec de nouveaux réalisateurs.
L’idée de télécharger un long métrage a longtemps été un très mauvais calcul. Le poids des fichiers et les films, eux-mêmes souvent piratés dans les salles de cinéma, ne permettaient pas d’obtenir d’objet visible, comparé aux plombes de téléchargement que devait se farcir l’internaute cinéphile. Une mauvaise idée jusqu’à l’arrivée du DivX (cf. encadré), un format de compression capable de faire tenirun film DVD sur un CD vierge. Né de l’esprit bidouilleur de Jérôme Rota, le DivX, qui pourrait se résumer à un bon équivalent du format MP3 pour les disques, change la donne en matière de téléchargement de films. Entre temps, un autre programme a lui aussi fait couler beaucoup d’encre : le Decss. Sorti lui aussi sur le Web via le site légendaire du groupe de hackers 2600.com, le Decss permet de copier des DVD.
DivX, Decss : voici le duo gagnant des bidouilleurs du Net. Un duo qui a donné naissance à une seconde génération de piratage : après l’industrie du disque, celle du cinéma se met à suer à grosses gouttes. Pas de quoi paniquer outre mesure non plus, puisque le piratage de films sur le Net passe obligatoirement, à l’inverse du MP3, par le haut débit. Plutôt que de s’inquiéter, l’industrie du 7e art devrait ouvrir grand ses yeux et ses oreilles, car le DivX pourrait donner naissance à une autre forme de consommation : « le cyberhome cinéma à la demande ». Couplé à un modèle d’échange de fichiers « peer to peer » à la Napster (sans passer par un serveur central), le cinéma sur Internet pourrait aller très loin, tout en respectant les droits d’auteurs avec des séances payantes.
Une idée pas si futuriste que ça : des sites français comme Liberafilms.com ou netcine.com s’y lancent déjà. Encore réservé aux chanceux du haut débit, le principe est simple : contre quelques euros, les internautes peuvent visionner des films en streaming (projection immédiate) ou en téléchargement. On s’en doute, ces vidéoclubs d’un genre nouveau ne proposent pas de films inédits ou récents, mais peu importe. Ce genre de sites permet d’envisager et de tester la distribution ciblée et personnalisée. Liberafilms, qui offre déjà un catalogue en ligne de 23 longs métrages et de 80 courts, prend le pari du cinéma d’auteur ou des grands classiques. Le site offre, en guise de démonstration aux internautes, l’intégralité de La Cible vivante d’Anthony Mann, avec Erich von Stroheim. Cinemapop.com, On2.com, Sightsound. com, Movieflix.com, etc. : pas un jour ne passe sans qu’un nouveau projet de e-Toile à la demande ne voit le jour.
Encore en phase de balbutiement, le cinéma et Internet pourraient converger en bonne entente à une condition : que l’industrie du cinéma ne fasse pas la même erreur que celle du disque avec le MP3. Parler ne fait pas cuire le riz.
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