Un conte moral aussi percutant que complexe sur la violence de classe.
Rodrigo (Nahuel Pérez Biscayart) est un jeune patron de ranch qui possède avec son père une ferme dans le nord de l’Uruguay, où ils cultivent du soja et élèvent des chevaux. Un peu plus loin, Carlos (Cristián Borges) vit avec sa famille au sommet d’une montagne reculée dans des conditions précaires.
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Le destin des deux hommes se croise lorsque Rodrigo propose à Carlos de travailler dans ses champs afin de faire face aux problèmes d’effectifs et au risque imminent de mauvaise récolte. Leur rencontre sera le carrefour entre deux réalités diamétralement opposées. Car l’horizontalité des rapports de classe n’est bien sûr qu’apparente. C’est ce que le film de Manuel Nieto Zas, passé par la Quinzaine des Réalisateurs du dernier Festival de Cannes, explicite dès son titre. D’un côté, l’employé, de l’autre, le patron. Deux mondes opposés, par nature irréconciliables.
Un film sans manichéisme
Une binarité qui n’empêche pourtant pas une mécanique de scénario complexe, échappant au manichéisme dans l’architecture de ses personnages. Le point de vue investit les perspectives des deux protagonistes et évite l’écueil d’ériger simplement Rodrigo en un vil patron et Carlos en une victime souffrante. Jusqu’à ce qu’un accident intervienne dont nous ne dirons rien, un lien étrange va même se nouer entre les deux individus, plus plus ou moins amical et complice, où quelque chose d’étrangement trouble se diffuse.
C’est par cette tragédie que le film mettra en évidence qu’il y a quelque chose de définitivement structurel derrière les apparences de classe, une inégalité que la complicité présumée, la bienveillance et les bonnes manières maquillent mais ne peuvent effacer. Le duo va en effet maintenir l’accord tacite qui normalise l’exploitation du travail et les privilèges du propriétaire. Déroulant une ligne narrative propre au mélodrame mais évidée de toute sentimentalité, réduite à la plus grande sécheresse, Manuel Nieto Zas orchestre une lutte de classe en sourdine, camouflée entre sourires et solidarités, mais où revanche et complaisance s’infiltrent inévitablement. Le constat livré est simple mais particulièrement percutant : il n’y a pas de chemin pacifique possible pour réparer l’injustice.
Employé/Patron de Manuel Nieto Zas. Sortie le 6 avril 2022.
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