Les secrets sordides d’une communauté religieuse isolée vus par un cinéaste impitoyable.
Après sa trilogie sur le Chili de Pinochet, Pablo Larraín, pourfendeur des déviances sociales et/ou politiques, s’occupe des prêtres pédophiles. Il le fait à sa manière, elle-même déviante, et toujours radicale.
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Comme d’habitude, cela se traduit tout d’abord par un travail particulier sur l’image, que l’on pourrait décrire comme brute et crépusculaire ; Larraín, ennemi de la haute définition qu’il taxe de “virus”, a employé des lentilles russes du début des années 60 et des filtres (“les mêmes qu’utilisait Tarkovski”, souligne-t-il). D’où une tonalité assez… soviétique. Cela a pour vertu, ou défaut, selon le point de vue, de rendre le tableau plus archaïque, trivial, voire sordide.
La tension et l’horreur ordinaire
Mais on peut également déceler un humour sous-jacent, un peu malade, dans cette vision d’un groupe d’hommes d’un certain âge et d’apparence assez quelconque, qui vivent ensemble dans une bicoque au bord de la mer et élèvent un lévrier de course avec lequel ils font des paris. Au départ, rien ne dit que ce sont des religieux, ni pourquoi ils se trouvent ainsi mis au rancart dans une petite ville côtière du Chili. On découvre la vérité petit à petit.
Larraín a le don de faire monter insidieusement la tension et l’horreur ordinaire. Il finira par mettre les points sur les “i” et par pousser le malaise à son comble. L’enfer sera amorcé avec l’arrivée d’une ancienne victime d’un de ces curés apparemment tranquilles, qui va décrire à tue-tête et avec précision les viols dont il fut victime, puis camper devant la maison des prêtres.
Malaise ou provocation
Comme dans ses précédents films, le cinéaste opte pour une approche très tortueuse, ou du moins trompeuse. C’est en faisant exploser la situation qu’il la résoudra, suggérant in fine un modus vivendi déglingué. Quant à savoir quel est le moteur de Pablo Larraín, le malaise ou bien la provocation, notre cœur balance. Ici, malgré quelques actes explicites, l’essentiel passe par la parole, crue et théâtralisée (le sujet provient d’ailleurs d’une pièce écrite par le cinéaste).
Quoi qu’il en soit, Larraín reste de film en film – sauf dans No, sa parenthèse pop – un cinéaste de la cruauté. Mais une cruauté d’autant plus dérangeante qu’elle n’est pas codifiée ni stéréotypée. Elle se manifeste souvent par une violence absurde, dans un contexte atypique aux apparences banales. S’il y a un cinéaste aux antipodes des genres, c’est bien Pablo Larraín, qui ne magnifie jamais l’horreur, au contraire. Il préfère insister sur la perversité humaine, qu’il traque comme une bête immonde.
El Club de Pablo Larraín (Chili, 2015, 1 h 37)
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