Le réalisateur Edouard Molinaro est mort samedi à l’âge de 85 ans. Retour sur sa carrière.
Après Georges Lautner le mois dernier, un nouveau leader du cinéma comique français patrimonial disparaît : Edouard Molinaro. Comme Lautner, Molinaro éclot historiquement avec la Nouvelle Vague, à la fin des années 50, mais à une autre situation géographique : au cœur de l’industrie. Le début de sa carrière bénéficie néanmoins d’une certaine porosité entre l’une et l’autre. Les jeunes comédiens révélés par la Nouvelle Vague essaiment dans les productions plus commerciales et apportent avec eux la fougue et la vitalité pop des sixties. Jean-Claude Brialy, Françoise Dorléac et Jean-Pierre Cassel jouent avec malice aux gendarmes et aux voleurs dans le charmant Arsène Lupin contre Arsène Lupin (1962) ; Belmondo,Deneuve, brialy et Dorleac encore, bernadette Lafont, Mireille Darc, Claude Rich, Marie Laforet, tous vingtenaires, flirtent et batifolent dans l’amusant film à sketch La Chasse à l’homme (1964).
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Ces premières réussites lui donnent du galon et lui permettent de mettre en scène deux stars ultimes de l’époque. D’abord Brigitte Bardot, au sommet de sa beauté dans Une ravissante idiote (1964), qui vaut surtout par sa bonne idée de casting consistant à confronter la féminité sculpturale de l’idole à la fébrilité malingre et flippée d’Anthony Perkins. Puis Louis de Funes, dans deux de ses plus gros hits : Oscar (1967) et Hibernatus (1969). Deux films presque uniquement tournés en décor unique, une maison cossue, où s’affirme le goût et la compétence de l’auteur pour convertir en champions du box-office des succès du théâtre de boulevard. On retiendra du premier Mario David en masseur brutal martyrisant De Funes et Paul Preboist en majordome demeuré ; Michael Lonsdale en psychiatre laconique dans le second, et dans les deux la fantasque Claude Gensac.
Dans les années qui suivent, sa main se fait plus lourde, mais ne le prive pas pour autant de réguliers triomphes commerciaux. Son inspiration se fait parfois grivoise (Mon oncle Benjamin en 1969, avec Jacques Brel en érotomane libertin, Le telephone rose en 1975, avec Mireille Darc en call-gil sentimentale), parfois plus familiale (La mandarine, avec Philippe Noiret, Annie Girardot et une jeune comedienne qu’il ne tarde pas à épouser, Marie-Christine Breillat, sœur de la cinéaste Catherine Breillat).
Il retrouve Jacques Brel et l’assortit a Lino Ventura, en tueur à gage contrarié, pour un de ses plus gros cartons : L’Emmerdeur. Mais le film porte surtout la marque de son scénariste, Francis Veber. Enfin, il termine les années 70 sur un nouveau triomphe absolu, lui valant même deux nominations aux oscars et un gros suces aux USA : La Cage aux folles. Cette nouvelle adaptation d’une pièce à succès est cette fois franchement indigente , mais partiellement sauvée par un Michel Serrault en état de grâce. Le film connait deux suites ; Molinaro ne réalise que la première, cédant sa place pour La Cage aux folles 3 justement à Georges Lautner.
Comme Lautner, sa carrière connait un coup de frein avec les années 80, lorsqu’apparaissent de nouvelles générations de stars comiques (Jugnot, Blanc, Balasko, Clavier…), dotés de leurs cinéastes faire-valoir spécifiques (Patrice Leconte, Jean-Marie Poiré…). Molinaro parvient néanmoins à se brancher sur cette génération, en suivant les débuts de Daniel Auteuil (Pour 100 briques, t’as plus rien, 1982 : succès ; Palace, 1984 et L’amour en douce, 1985 : échecs). Il échoue à rétablir Pierre Richard à la fin des années 80 (A gauche, en sortant de l’ascenseur, 1988), mais réussit pourtant à retrouver le succès dans les années 90 dans le registre alors très à la mode du blockbuster culturel tout en perruques. Dans une orgie de chandeliers et de chemises à jabots, Claude Brasseur et Claude Rich (qui remporte du coup le César du meilleur acteur) dissertent sur la défaite Waterloo en Talleyrand et Fouché dans Le Dîner (1992), tandis que Fabrice Luchini promeut les idées de la Révolution en écarquillant les yeux dans Beaumarchais, l’insolent (2 millions d’entrées tout de même en 96).
Après ce dernier succès et quarante ans d’activité, le cinéaste se retire du cinéma. C’est désormais à la télévision qu’il continue à mettre en valeur la verve comique de nouvelles génération de comédiens tels Jamel ou Eric et Ramzy dans la série H (dont il réalise une quinzaine d’épisodes). Son dernier téléfilm, Une famille pas comme les autres avec Guy Bedos et Line Renaud, date de 2005. Il disparaît à l’âge de 85 ans le 7 décembre 2013.
{"type":"Banniere-Basse"}