Ils l’ont rencontré au cours Florent, sur un plateau de tournage ou sur une scène de spectacle. Depuis, ils ne le quittent plus. Portrait de six comédiens fidèles.
Sabrina Ouazani
Que reste-t-il de la timide Sabrina, ado repérée en 2004 par Abdellatif Kechiche, qui en fit l’une des révélations de L’Esquive ? Sa spontanéité. Depuis quinze ans, cet enfant de la Courneuve oscille entre cinéma engagé, “qui fait réagir et réfléchir” (La Graine et le Mulet, La Source des femmes, Qu’Allah bénisse la France) et divertissements populaires (Pattaya, en attendant L’Embarras du choix, avec Alexandra Lamy). A son image, Ouvert la nuit mixe les cultures et nous balade de Chez Castel à Montreuil. Reliée au cinéma tout aussi singulier de Marc Fitoussi (Maman a tort), elle évoque le gros “kiff” du grand écart baerien et promet d’alterner ad libitum loufoque et politique.
Patrick Boshart
Paré de son look atemporel (barbe et cheveux longs et gris, bandeau sur l’œil), Patrick Boshart aurait pu figurer dans le Pirates de Roman Polanski. Quoi de plus logique puisqu’il est au service du cinéaste polonais depuis Frantic (1987), chargé d’un labeur de l’ombre : repérer les décors naturels. Trente ans de repérages lui ont permis de côtoyer De Niro (sur Ronin) ou Matt Damon (La Mémoire dans la peau) mais aussi, à trois reprises, la “très torturée” Claire Denis (Trouble Every Day). Fidèle à Edouard Baer depuis sa première mise en scène théâtrale (Le Grand Mezze en 2004), cet ex du Conservatoire est redevenu comédien pour ledit dandy, “formidable directeur d’acteurs”.
Christophe Meynet
Difficile de sonder cet acteur discret, que l’on a pu voir sur petit écran aux côtés de Xavier Beauvois (Duel en ville). La découverte du Centre de visionnage l’incite à écrire une pièce en trois jours afin d’intégrer la troupe du sire Baer, “génie de l’impro, à la Léo Ferré”, rencontré au moment de Secret de femme (Nova, 2001). Sa passion ? L’art du comédien, qu’il enseigne, qu’il met en scène (plusieurs pièces à son actif) et qu’il pratique, sous le regard d’Emmanuelle Bercot (La Tête haute, La Fille de Brest). De Baer à Bercot, dit-il, un leitmotiv : “Capter la vérité de l’acteur et ses angoisses”. Et ce n’est pas l’absurde Akoibon, où il apparaît, qui contredira ses propos.
Atmen Kelif
“Jeune kinenveut” de la team Jérôme Deschamps (alias Les Deschiens), Atmen Kelif rencontre Edouard Baer en 1992. Il n’a depuis jamais quitté ce “gentleman chaplinesque, fellinien”, s’incrustant dans la majorité de ses émissions de radio, films et pièces de théâtre. Entre burlesque “à la Splendid” devenu culte (Les Parasites), série Canal déjantée (Kelif & Deutsch) et biopic sensible (L’Affaire Ben Barka), Atmen Kelif navigue, libre et entier. Amoureux des planches passé par Jean-Michel Ribes, il offre sa voix à la prose de Gérard Mordillat pour Moi, présidente, satire de l’ère Le Pen à voir à partir du 23 janvier au Rond-Point.
Alka Balbir
C’est en 2007 avec Looking for Mister Castang qu’Alka Balbir intègre la troupe d’Edouard Baer. Elle fête alors ses 21 printemps. Mais c’est sous le simple prénom d’Alka qu’elle ravit les mélomanes via La Première Fois, opus composé par Benjamin Biolay, un autre mélancolique, en 2013. Chanteuse, elle hérite d’Adjani. Actrice, elle souffle son amour pour Deneuve et Demy. Découverte sur la chaîne cryptée (Le Bureau de Nicolas et Bruno), elle glisse de Baer à Benoît (Forgeard) et côtoie Katerine dans l’ovni Gaz de France. La muse prépare son deuxième album et foulera jusqu’en avril le sol du Théâtre de Paris avec Maris et femmes de Woody Allen.
Jean-Michel Lahmi
Fin second couteau de la comédie française, pote cravaté un peu gauche de Baer dans Mensonges et trahisons et plus si affinités, remarqué de Tanguy à Nos jours heureux et de Poltergay à Brice 3. A la fin des années 1990, ce bonhomme bougon contribue à l’âge d’or de deux chaînes : Canal (le Centre de visionnage et A la rencontre de divers aspects...) et Comédie (La Grosse Emission, période Farrugia). Si l’on en croit son dernier spectacle, il serait “seul en scène… et aussi dans la vie”. Pourtant, du PAF aux planches (Miam Miam, A la française), l’élève d’Isabelle Nanty ne cesse depuis vingt ans d’en revenir à la bostella familiale de son vieil ami du cours Florent. Une “relation basée sur un sens de la dérision et du dérisoire, une communauté d’esprit”, poétise-t-il.