ÉCRIT SUR DU VENT DE DOUGLAS SIRK (1956)
(Universal Pictures, environ 10 e)
Enfin en DVD, l’un des nombreux chefs-d’œuvre de Douglas Sirk : un gouffre d’une noirceur radicale.
LE FILM : Alors qu’il avait déjà dépassé la cinquantaine, Douglas Sirk, cinéaste allemand en exil, réalisa, entre 1954 et 1959, sept mélodrames qui sont autant de chefs-d’œuvre, commençant par le délicat Secret magnifique et terminant par l’indépassable Mirage de la vie. Après cette passe inouïe, il rentra se reposer en Europe pendant une petite trentaine d’années avant d’y mourir. Fassbinder considérait ces films comme les plus beaux du monde. Godard aussi. Et pourtant, inutile d’aller les chercher en magasin. A l’exception d’Ecrit sur du vent, qu’Universal a enfin l’intelligence de sortir en DVD, vous n’en trouverez aucun.
Pourquoi ? Parce que la cinéphilie reste une sale histoire de mecs qui ont toujours préféré les cow-boys et les fantômes aux femmes détruites dans leur salon. Parce qu’il est plus difficile de discerner la pureté d’une émotion esthétique quand on baigne dans la sentimentalité la plus irrépressible, que logé dans l’austérité d’un couvent suédois. Parce que, sous tant de fleurs, de pleurs et de diamants, se trouve un gouffre d’une noirceur radicale.
De cette série de sept chefs-d’œuvre, Ecrit sur du vent est sans doute le plus rapide, le plus excessif aussi. Dès le générique, tout est dit ou presque. Des derricks à perte de vue, une voiture de course qui fait des embardées, un chauffeur ivre, une grande maison, un coup de feu, un corps qui s’effondre. Et tout cela balayé par un vent mauvais qui fait tourner les pages d’un calendrier en arrière et nous ramène quelques mois plus tôt pour la première séquence officielle du film.
Deux couples ici, comme presque toujours chez Sirk les honnêtes travailleurs (Rock Hudson et Lauren Bacall) et les héritiers pourris d’un magnat du pétrole (Robert Stack et Dorothy Malone). Comme la vie est mal faite, cela prendra à peu près une heure et demie pour que Mister Right finisse par épouser Miss Perfect. Mais, dans l’entre-deux, comme la mise en scène est bien faite, on ne sera plus du tout certain de devoir se réjouir de ces fiançailles si conformes à la morale sociale. Ceux qui ne connaissent Robert Stack que par la série des Incorruptibles seront renversés de voir quel acteur merveilleux il a pu être chez Sirk (dans Ecrit sur du vent mais aussi, deux ans plus tard, dans La Ronde de l’aube). Son visage grimaçant d’enfant gâté mais en manque de tout est inoubliable. Il contribue largement à faire de ce précipité de Dallas la plus détraquée des tragédies.
LE DVD : Aucun bonus ici mais qui saurait s’en plaindre ?
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