Dans le quartier hispanique de Los Angeles, le parcours de deux personnages ostracisés par leur communauté pour leur sexualité non conforme, dans une belle veine documentaire. Mensurations parfaites, équilibre des formes, grâce et fluidité de mouvement : Echo Park, L.A., second opus des réalisateursRichard Glatzer et Wash Westmoreland, affiche la morphologie savante d’une histoire parfaitement […]
Dans le quartier hispanique de Los Angeles, le parcours de deux personnages ostracisés par leur communauté pour leur sexualité non conforme, dans une belle veine documentaire.
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Mensurations parfaites, équilibre des formes, grâce et fluidité de mouvement : Echo Park, L.A., second opus des réalisateursRichard Glatzer et Wash Westmoreland, affiche la morphologie savante d’une histoire parfaitement construite. Du moins est-elle, pense-t-on, le fruit d’une collaboration interminable à l’écriture. Mais la genèse du projet, tel qu’elle est exposée par l’un de ses initiateurs, ne corrobore pas cette hypothèse : « Tout a commencé il y a un an et demi, au nouvel an 2005. On était sorti très tard la veille. On s’est réveillé avec une gueule de bois pas possible, et puis on s’est mis à discuter d’un film à faire ensemble. En moins de deux heures, on avait les personnages et l’intrigue. En trois semaines le scénario était écrit. Avec une telle facilité qu’on était rongé par la culpabilité. » Empruntant son nom au quartier hispanique de Los Angeles, Echo Park trace les parcours parallèles de Magdalena et Carlos, tous deux victimes de l’ostracisme de leur communauté. Elle, pour être tombée enceinte peu de temps avant sa quincea era, célébration par laquelle une fille de 15 ans accède au statut de femme. Lui, pour son comportement légèrement déviant (tatouages, joints, bouc, marcel blanc) et son homosexualité.
Une scène liminaire fait débarquer Carlos au beau milieu d’un rassemblement festif. Son père l’accueille à coups de taloches, sous l’œil plus ou moins consentant de l’assemblée. Mise à jour de l’un des soubassements de tout principe communautaire, qui n’affermit jamais tant son identité qu’en réaction à une marginalité. Une fois éjecté du groupe, où poser ses bagages ? Est-il un séjour durable entre là d’où on vient et ce à quoi on aspire, entre norme et singularité, tradition et modernité ? Tel est l’enjeu inauguralement posé par l’histoire, et sa contamination à toutes les sphères Ð intime, sociale, religieuse Ð de la vie des personnages : « L’idée initiale du film reposait sur l’éviction des deux héros, pour des raisons à la fois différentes et très semblables : il s’agit de sexualité dans les deux cas, d’une sexualité qui dérange parce qu’elle n’est pas conforme. A partir de cette tension, tout ce qui définissait leur appartenance sociale, raciale et religieuse est remis en cause. »
Ainsi Magdalena se détache-t-elle de la piété parentale tantôt mystique, tantôt folklorique. Jusqu’à reprendre à son compte, non sans ironie, le miracle de l’Immaculée Conception pour tromper la pruderie courroucée de son père. Ainsi l’homosexualité de Carlos le conduit-il à fréquenter Herman et Gary, un couple bobo installé depuis peu dans le quartier d’Echo Park…
Le récit opère un lent virage. D’abord réceptacle de la fiction, l’environnement des personnages en devient progressivement le catalyseur. A l’instar de Madgalena et Carlos, subitement expulsés de leur maison d’accueil, Echo Park, gagné par un embourgeoisement de ses rues, est en profonde mutation. Et constitue la véritable origine du film : « Si vous attendez bien sagement qu’Hollywood vous appelle en vous proposant un gros budget, vous pouvez attendre toute une vie ! Donc on s’est dit : qu’est-ce qui pourrait vraiment nous être accessible ? Et on s’est mis à parler de ce quartier dans lequel nous vivions depuis cinq ans. » Des éclats documentaires volés à la vie de quartier s’exfolient de la narration. Pour peu, on s’attendrait à voir filer en skate, au bout la rue, la petite bande de jeunes Mexicains échappée du dernier film de Larry Clark, Wassup Rockers.
Les deux œuvres sont proches, tant par leur sujet que par la négociation réel/fiction dont elles sont les dépositaires. Mais quand l’une procède par blocs, stases documentaires, l’autre s’en tient à de discrètes incrustations de réel dans l’édifice de la fiction. Fille d’un temps redistribué, du montage dans la durée, cette dernière est également affaire de distance. De celle, maintenue ou non, entre l’acteur et la caméra. En vissant son objectif au corps adolescent, Larry Clark l’isole de son rayonnement identitaire et social ; en collant à la peau, il investit le corps nu d’un sens et d’une vérité. Tout en le privant du destin, peut-être enviable, de se faire personnage.
A l’inverse, l’écart à partir duquel Richard Glatzer et Wash Westmoreland configurent leur mise en scène saisit l’individu dans son environnement et souligne le caractère ontologiquement indissociable de leur lien.
C’est là tout le sujet, et toute la réussite, d’Echo Park, concrétisation en images d' »une discussion commencée dans une fête, en 1995, sur les séquences de rêves de Rosemary’s Baby, et qui n’a pas cessé depuis onze ans ».
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