Le spleen titubant d’un ex-junkie allié à un portrait acéré de la Bulgarie : un premier film prometteur.
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Eastern Plays a pour mérite de lever le voile sur une cinématographie bulgare invisible ici et un pays qui, culturellement, évoquera seulement Sylvie Vartan ou l’emballeur de monuments Christo.
Surtout, ce premier film d’un cinéaste passé par la Fémis, tourné à l’arrache et sans subventions nationales, n’est pas estampillé “produit culturel officiel”.
Il mêle adroitement deux sillons, personnel et collectif, via la trajectoire de deux frères : Itso, artiste ex-junkie qui voudrait tant bien que mal rester sur les rails, et son cadet Georgi, plus malléable, enrôlé dans une bande de skinheads.
La piste intime, centrée sur Itso, est la plus réussie, car l’acteur Christo Christov (un non-professionnel dans un rôle autobiographique, décédé après le tournage) ainsi que la réalisation imposent un rythme à la fois flottant et déglingué, qui épouse son vide existentiel, entre soirées arrosées et traitement à la méthadone.
Après le départ d’un être cher, une tristesse organique, palpable, culmine dans une entêtante séquence d’errance noctambule tournée caméra à l’épaule à Sofia, sans clichés misérabilistes est-européens ou folklore facile (là où se vautre a contrario l’autre film bulgare à venir en France en juin, The World Is Big).
Le film articule ce spleen, cette quête au début vaine de soi, avec la confusion généralisée d’un pays, le trouble jeté par ces marronniers de reportages télé que sont la transition postcommuniste et la corruption.
Un nœud plus épais est ironiquement aussi identifié par le magazine culturel bulgare branché Edno dans sa livraison de décembre 2009.
Appelons cela l’identité nationale : “la Bulgarie se définit aux yeux du monde par ce qu’elle n’est pas, à savoir ses voisins serbe, roumain, grec et turc” – autant de pays avec lesquels elle partage des traits culturels communs sans pouvoir autant s’en dégager.
Eastern Plays fait apparaître une jolie touriste turque comme solution au surplace, à l’impasse des frangins et aussi d’un pays.
Ce plaidoyer go east pour l’ouverture s’intègre tranquillement dans la fiction, beaucoup mieux qu’une scorie de sous-intrigue où un politicien échaude les esprits en poussant les skinheads à la violence raciste.
Si Cronenberg n’en avait pas eu l’idée le premier, le film aurait pu s’intituler Eastern Promises : promesses pour ses personnages, et aussi d’un cinéaste aussi bien à l’aise avec l’énergie des heures indues qu’avec l’introspection sur une marche de HLM.
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