Une fugue amoureuse impertinente et poétique qui dessine en creux le portrait d’une jeunesse israélienne perdue.
Réalisateur chevronné pour la télé israélienne (sa dernière création, Significant Other, a été présentée en 2018 à Séries Mania, section Marathon Comédies), Ram Nehari dirige à côté, depuis une dizaine d’années, des ateliers artistiques auprès de personnes souffrant de troubles psychiatriques. Un jour, il rencontre Nitaï et Moon. Le trio se met à travailler sur un projet commun vaguement autobiographique dont l’aboutissement sera Don’t forget me.
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Tout sauf anodine, cette genèse d’écriture permet assez naturellement au film de s’affranchir de la petite comédie bien sage de freaks sous Lexomil façon Happiness Therapy (hasard curieux d’agenda, Don’t Forget me sort six ans, jour pour jour, après le film de David O. Russell) et épouse au contraire une forme plus brute, onirique, désinvolte, et qui lui donne sa poésie singulière. Débutant dans la froideur et la violence d’un couloir d’hôpital où les premiers mots assénés aux patientes à leur réveil concernent leurs règles et leurs selles, le récit s’enfonce petit à petit dans l’errance nocturne de deux corps cabossés où se substitue à la dramédie réaliste une fugue aux frontières du sur réalisme. Don’t forget me atteint dans cet équilibre de genre une justesse en traitant son couple sans vouloir le rattacher à une norme et tout en refusant d’en faire une figure romantique, délestée des règles sociétales.
On serait plutôt tenter de faire de ce couple l’allégorie d’une jeunesse israélienne abîmée, esseulée et en manque de repères, entraperçue dans le très réussi People that are not me. Mais si le film d’Hadas Ben Aroya s’achevait par une impossible étreinte entre deux corps allongés sur un lit, Don’t forget me suggère, lui, un espoir. Celui qu’à travers les barreaux d’un pays, d’un hôpital, ou d’un corps, deux mains trouveront toujours le moyen de s’y rejoindre par une fine ouverture.
Don’t Forget me de Ram Nehari (lsr., Fr., Ali., 2017, 1h28)
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