En 1966, Woody Allen a déjà écrit des milliers de one-liners pour le Show of shows, a été script-doctor et acteur sur Quoi de neuf, Pussycat ? et Casino Royale. Mais il n’a pas encore signé une œuvre complète de son seul nom. Ce sera la pièce Don’t drink the water, non pas un plaidoyer […]
En 1966, Woody Allen a déjà écrit des milliers de one-liners pour le Show of shows, a été script-doctor et acteur sur Quoi de neuf, Pussycat ? et Casino Royale. Mais il n’a pas encore signé une œuvre complète de son seul nom. Ce sera la pièce Don’t drink the water, non pas un plaidoyer pro-beaujolais mais une satire de la diplomatie qui triomphe pendant dix mois à Broadway. Près de trente ans après, Allen réadapte la pièce et la tourne entre Coups de feu à Broadway et Maudite Aphrodite.
C’est sa première réalisation pour la télé, et l’adéquation est évidente entre le format du petit écran et la modeste ambition du propos. Walter et Marion Hollander (Allen lui-même et Julie Kavner, la voix américaine de Marge Simpson), traiteurs juifs new-yorkais, et leur fille Susan, en visite dans un pays d’Europe de l’Est, sont pris pour des espions parce qu’ils ont photographié le soleil couchant. Ils trouvent refuge à l’ambassade des Etats-Unis, administrée par un incapable (Michael J. Fox). L’action se situe en 1961, c’est-à-dire en pleine guerre froide, ce qui amène certains à rapprocher Don’t drink the water de Bananas, pamphlet politique qu’Allen réalisa en 1971. Il n’y a pas de quoi : la vision de l’espionnage et de la diplomatie est ici à peu près aussi fouillée que dans un James Bond… Non, ce qui préoccupe surtout Woody Allen ici, c’est de faire rire. Si on peut avoir quelques réserves (les passages où les Hollander cherchent à contrôler le mariage de leur fille rappellent Oscar d’Edouard Molinaro), globalement, ça marche.
Pour pallier les longueurs et l’unité de lieu, Allen a, comme dans Maris et femmes, hissé sa caméra sur les épaules de Carlo Di Palma. On suit donc les scènes dans leur continuité en swinguant sur La Danse du sabre de Khatchatourian. Pas de champs-contrechamps ni de gros plans, mais un rythme endiablé, interdisant de souffler entre deux éclats de rire. Tout le versant comique de Woody Allen y passe : burlesque, loufoque, parano… Il faut le voir tenter d’assassiner le cuisinier de l’ambassade en lui énumérant toutes les raisons de son geste (escargots, tripes, aspic, calamars, cervelle, cheval…). Léger mais hilarant, comme tous ces Woody Allen qu’on dit « mineurs ».