Au début, on se dit que tous nos préjugés sur le réalisateur, tous nos pressentiments sur ce film sont largement confirmés : Mike Newell, auteur d’Avril enchanté, Le Cheval venu de la mer, Quatre mariages… (retenez nos bâillements d’ennui), Mike Newell donc est un faiseur sans étincelle et Donnie Brasco est un exercice de style […]
Au début, on se dit que tous nos préjugés sur le réalisateur, tous nos pressentiments sur ce film sont largement confirmés : Mike Newell, auteur d’Avril enchanté, Le Cheval venu de la mer, Quatre mariages… (retenez nos bâillements d’ennui), Mike Newell donc est un faiseur sans étincelle et Donnie Brasco est un exercice de style scorsésien à peu près aussi passionnant qu’un exercice de maths. Donnie Brasco, jeune agent du FBI, infiltre les milieux mafieux par la base en nouant une relation avec Lefty, un caporal du crime vieillissant et vaguement désabusé. On devine un peu la suite des événements, basés sur une histoire authentique : écartelé entre la mafia, le FBI et sa famille, submergé par un flot de questions éthiques, Donnie perd peu à peu ses repères, s’empêtre dans ses trois vies parallèles, n’arrive plus à conjuguer trois types de fidélité (amicale, conjugale, professionnelle) contradictoires. Tel le héros d’une comédie récente, il lui faudrait deux clones… Mais Donnie Brasco n’est pas une comédie, plutôt une tragédie en sourdine, une petite musique funèbre. Quand Newell filme les groupes mafieux, les règlements de comptes sanglants, les parties de tchatche au chianti, les padrones qui bouffent leur pasta en arrière-cuisine, etc., on se dit qu’il n’a retenu de Scorsese que l’enveloppe pittoresque, qu’il lui manque décidément l’ampleur stylistique d’un De Palma ou d’un Coppola, que Donnie Brasco ressemble à un ersatz des Affranchis qui roule au diesel. Pourtant, dès que le film se resserre autour de la relation Brasco/Lefty, dès que le cadre se vide pour ne garder que Depp et Pacino, il se passe quelque chose, le film parvient à s’inscrire plus profondément dans la chair et la conscience du spectateur. L’histoire d’une amitié bâtie sur un mensonge est dramatiquement forte en soi : elle est ici renforcée par la qualité des dialogues, l’intensité sobre de Depp et Pacino, la patience avec laquelle Newell capte leurs échanges, incluant les silences et les regards, laissant mijoter les situations à feu lent et doux. Le rapport filial entre Lefty et Donnie se double évidemment du lien qui unit Pacino et Depp, celui d’un ancien qui coache son successeur et lui transmet son savoir. Dans ces moments-là, on se dit que Newell est peut-être un faiseur, mais remarquable. Et Donnie Brasco, production américaine courante, se distingue au finish en charriant dans son lit ordinaire quelques magnifiques diamants noirs.
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