Le cinéaste ukrainien réalise un film fort, violent, parfois à la limite du supportable, dont le sens risque de se retourner contre lui.
Le territoire du Donbass dans l’est de l’Ukraine est depuis 2014 victime d’une guerre entre les séparatistes russophones, qui l’occupent, et le gouvernement ukrainien, qui essaie de le récupérer. Le problème du film du cinéaste ukrainien Sergei Loznitsa (auteur d’Une femme douce, en compétition l’année dernière à Cannes), c’est qu’il ne laisse guère de doute sur sa nature : c’est un procès à charge des séparatistes ukrainiens pro-russes.
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On ne prête sans doute qu’aux riches et il n’est pas question ici de nier que les Ukrainiens russophones mènent une politique sans pitié contre les Ukrainiens nationaux, une lutte quotidienne où la manipulation du peuple, quelle que soit d’ailleurs son obédience, est permanente, tordue, vicieuse et sas pitié, où la corruption est la loi, les dirigeants autoproclamés russophiles du Donbass, des pourris stupides, humiliants, des médiocres vulgaires qui ont désormais tout le pouvoir en main, dont par définition celui d’en abuser.
« Mais les Ukrainiens nationalistes fascistes valent-ils mieux ? » a-t-on quand même envie de dire, parce qu’ils existent bel et bien aussi. Sûrement pas. Les démocrates, minoritaires comme d’habitude, n’ont plus qu’à serrer les dents… Histoire universelle : le peuple souffre, est spolié (les biens des citoyens de base, comme montré dans le film, sont systématiquement réquisitionnés par le pouvoir russophone fantoche), meurt.
Un dénonciation violente mais vaine ?
Ensuite, il y a la méthode du cinéaste, dont on comprend bien qu’il ait envie de frapper le spectateur international, surtout à Cannes, où le film fait l’ouverture de la section Un certain regard. Et la méthode est aussi lourde que l’artillerie russe. Les personnages de séparatistes portent tous leur laideur intérieure sur leur visage. C’est un peu gênant (surtout dans les scènes de lynchage de rue et de mariage, insupportables).
Le spectateur se sent un peu pris en otage, tout en se souvenant que les films qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale n’étaient guère subtils quand il s’agissait de mettre en scène des Allemands… Le Donbass est un pays en guerre, il n’y a pas de doute sur le départage entre assassins et victimes, Loznitsa ne fait pas dans la dentelle et on peut lui en reconnaître la légitimité.
Il est évident que le cinéaste ukrainien sait très bien démonter les mécanismes des manipulations médiatiques (notamment ces attentats et des crimes de groupe perpétrés par les soldats d’origine russe uniquement pour en accuser aussitôt les forces ukrainiennes non russophones). On ne peut pas dire qu’on apprenne grand-chose, mais le décorticage du dernier plan du film (suite du premier) est assez impressionnante (oui, Loznitsa sait filmer).
Mais cette dénonciation finale ne peut-elle se retourner contre Loznitsa lui-même ? Ses adversaires politiques ne pourraient-ils pas lui reprocher la même chose ? La frappe de Loznitsa est lourde, mais il n’est pas évident qu’elle touche son but.
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