Boulimique d’univers parallèles, de prophéties ancestrales et de pouvoirs en tout genre, le nouveau Marvel est une invraisemblable bouillabaisse.
Le Marvel Cinematic Universe ressemble de plus en plus à une espèce de quiche aux restes, du genre que l’on se mitonnerait un dimanche soir en vidant tous les tupperwares de la semaine dans un moule à tarte (et qu’on bâfrerait devant un Marvel, d’ailleurs) : c’est bourratif mais ça n’a plus goût à rien, il y a tous les ingrédients sauf celui qu’on voulait (du space opera, des sorciers, des prophéties asiatiques, mais on était pas censés aller voir un film de super-héros, à la base ?), on a un peu honte mais “ça fait le job”, comme on dit quand on a renoncé à toute dignité.
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Voilà à peu près l’effet que nous fait Doctor Strange in the Multiverse of Madness (la nausée commence dès le titre : c’est un film ou une attraction de Luna Park ?), avec ses grumeaux spongieux de pop culture des dix dernières années, ses résidus de seconds rôles faisant l’effet de derniers traînards à une soirée finie depuis une bonne heure, ses vaines tentatives de pimenter la bouillie en ajoutant de l’horrifique bon marché ou une improbable séquence de fight musical.
Le film attirera peut-être à lui une cohorte de fans de Sam Raimi, qui n’a rien réalisé depuis 2013 mais ne s’est tout de même pas trop caché ici de n’avoir rien mis de personnel dans cette commande. Il moissonnera peut-être aussi une partie des nouvelles générations de spectateurs de Spider-Man, dont il reprend la fructueuse veine “univers parallèle” (vue dans No Way Home et dans les récentes adaptations animées).
Espoir déçu
Le résultat est pourtant loin de l’espoir que l’affiche a pu faire naître dans ces poches de public, tant rien ne tient vraiment debout dans cette histoire de road-trip entre univers parallèles : Doctor Strange rencontre une jeune fille capable de sauter d’une réalité à une autre, et tente de la protéger de Wanda, qui veut lui voler son pouvoir, mais qu’on peut stopper grâce à un grimoire, perdu entre les dimensions. Le film mélange fiévreusement environ soixante-douze régimes fantastiques (gag : le moment où en plein délirium SF, deux personnages se chamaillent sur la différence entre magie et sorcellerie) et ne se préoccupe d’aucune espèce de cohérence narrative puisqu’il invente en continu ses propres solutions de récit (exemple parmi d’autres : le pouvoir qui ne fonctionne jamais, jusqu’au moment où quelqu’un dit “mais si, crois en toi !”).
Doctor Strange se comporte en fait moins comme une trame que comme un agrégat, une boule collante qui gobe tout sur son chemin céleste. Le champ des possibles y paraît totalement infini : plus de temps, plus d’espace, plus de mort, plus de vie, plus de causes ou de conséquences. Et plus de film, donc, ou alors des gravats de film, n’avançant plus mais flottant dans un grand magma de matières, de corps, d’événements amoncelés les uns par-dessus les autres. Si c’était une comédie, ce ne serait pas un mauvais épisode de Rick & Morty. Le problème est que ça se prend plutôt au sérieux.
Doctor Strange in the Multiverse of Madness, dans les salles le 4 mai 2022.
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